L’Enfant de poussière by Dewdney Patrick K

Auteur:Dewdney Patrick K [Dewdney Patrick K]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Au diable vauvert
Publié: 2018-04-02T22:00:00+00:00

34.

Durant l’heure chuchotante qui suivit, sous l’escalier noirci du bouge de Boiselle, je racontai tout à Uldrick, depuis le début. Les cheveux de Brindille, mes premiers vols, comment Hesse m’avait pris à son service. L’homme mort que j’avais repêché, et les contrebandiers de Vargan Fuste. Merle, dans sa galère jharraïenne. Ma colère contre Duranne Misolle et les vieilles familles, qui avait précipité mon premier séjour aux geôles. Le faux procès. La conspiration de la haute avec les marchands de la Ligue de Franc-Lac. Puis la mort de Doune, de Surd’Nahir et enfin le faux meurtre de Holdène, perpétré par le sicaire. Toutefois, je ne parlai ni du Deïsi que j’avais vu, ni des rêves que j’avais faits. Le Var m’écouta patiemment, haussant de temps à autre un sourcil interloqué, tandis que je sautais sans habileté d’un sujet à l’autre, et il garda le silence, hormis pour me rappeler de baisser la voix.

Lorsque j’eus fini, Uldrick demeura tout aussi insondable, et j’eus peur qu’il ne se lève et m’abandonne. « Eh bien cela m’apprendra », finit-il par énoncer d’une voix grave. « Je pensais t’épargner une mort stupide aux mains d’imbéciles. Si je ne te devais pas la vie, Sleitling, je ne t’aurais pas secouru, et si je ne te devais pas une jambe, je te laisserais sans doute ici, sans même me retourner. Il me semble que tu attires les ennuis comme la chiure attire les mouches. » Les larmes que j’avais réussi à garder sous contrôle durant mon récit, avec les souvenirs qui remontaient, me vinrent brusquement aux yeux. Je mordis ma lèvre pour ne pas pleurer devant le Var. Uldrick le vit tout de même, sa bouche se plissa en une ligne mince et dure, et il m’administra un soufflet sur l’oreille. « Quelques gouttes d’eau et de sel n’ont jamais rien changé au monde, Sleitling, et ma dette demeure. J’ai promis de faire de toi un guerrier, et je tiendrai cette promesse. Je la tiendrai même quand tu me supplieras du contraire, ce qui arrivera bien plus vite que tu ne le crois. » Il se redressa lentement. « Nous avons suffisamment parlé. Il nous faut partir d’ici au plus vite. » Je dépliai les jambes à mon tour et les anneaux de métal cliquetèrent. Le haubergeon pesa de nouveau sur mes épaules, comme pour m’enfoncer sous terre.

« Aubergiste ! » rugit le Var, et le rouquin accourut, un sourire contraint sur les lèvres, qui s’effaça au fur et à mesure que le guerrier parlait. « Nous serons de retour dans l’heure. Je veux des vivres pour une lune. Du pain. Des tubercules. Des haricots ou des pois. De l’orge, un fromage à sécher si vous arrivez à en trouver, et je paierai bien. Que mes bêtes soient chargées et sellées ! S’il manque quoi que ce soit à mes affaires, je reviendrai prendre des mains », conclut-il férocement. L’homme pâlit visiblement, mais se fendit tout de même d’un air serviable et disparut en appelant son aide. Uldrick m’empoigna par le bras et me poussa vers la sortie.

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