La secrétaire de Himmler by Catherine Hokin

Auteur:Catherine Hokin [Hokin, Catherine]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: City Editions
Publié: 2022-06-22T04:38:46+00:00

9

Magda, février 1945

Le fil se cassa. Magda avait su que ça arriverait quand Himmler avait laissé échapper le lieu où Walther était retenu. Elle se rongea les sangs dans l’espoir vain que quelque chose pourrait encore le sauver alors que depuis longtemps déjà cet espoir avait cessé d’être rationnel.

La prison de Plötzensee, où Walther fut immédiatement emmené lors de son arrestation, était le site d’exécution, le dernier arrêt sur la voie de la torture. Il était impossible de travailler au siège des SS et de ne pas être conscient du sens de ce nom. Magda avait vu les vans verts qui l’alimentaient sortir les prisonniers encagoulés des cellules en sous-sol et les emmener Prinz Albrecht Straβe, même si tout le monde était censé fermer les yeux sur ces déplacements comme ils le faisaient pour le reste. Elle était au courant du taux élevé de suicides dans cette terrifiante prison, des grésillons en guise de torture et des lumières qui aveuglaient toute la nuit, et des cellules qui étaient trop petites pour que les détenus puissent y étendre les bras. Et des crochets qui pendaient sur une longue rangée, dont les collets étaient considérés comme étant une méthode de mise à mort plus efficace que la guillotine qu’ils avaient remplacée car elle n’était capable de tuer qu’un seul détenu à la fois.

Magda connaissait la vérité au sujet de Plötzensee. Elle s’y était rendue un matin glacial de février et avait ressenti sa menace. Malgré tout ce qu’elle savait, cependant, et jusqu’à ce que, des semaines plus tard, elle tienne dans sa main la lettre qui annonçait son assassinat, elle refusa de croire que Walther rendrait l’âme dans une prison. Même si elle s’était assise en face de l’homme qu’elle connaissait depuis près de dix ans – l’homme qu’elle avait mal jugé, estimé, admiré et aimé – et savait qu’il était brisé et qu’on ne pouvait plus rien pour lui, elle avait refusé d’y croire. Même si elle avait ressenti la douleur de sa chute qui s’agglutinait comme du gel autour de son cœur, elle s’était autorisée à être naïve. Elle avait quand même laissé Walther lui donner un faux espoir en la laisant croire qu’il y avait une porte de sortie pour lui.

— Ils sauront quoi faire de moi, vous verrez. J’ai fait preuve de pas mal d’agilité pour dénouer des cordes, ce qui est considéré comme un travail dans le coin. Peut-être feront-ils de moi un constructeur de bateau – n’est-ce pas ce pour quoi ils utilisent de la fibre ? Ou peut-être me colleront-ils dans le Wolkssturm avec tous les garçons et les vieux qu’ils ont obligés à porter des uniformes. Il y aurait une sorte d’ironie plaisante à cela, ne pensez-vous pas ? Toutes ces années passées à « ébranler la patrie » – ce qui est une des charges retenues contre moi apparemment – et me revoilà, à combattre pour la préserver dans ses jours à l’agonie.

Elle le revit pour la première fois depuis son arrestation quatre mois plus tôt en octobre lors de sa visite en février 1945.

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