La revanche du rameur (French Edition) by Dupagne Dominique dr

Auteur:Dupagne, Dominique dr [Dupagne, Dominique dr]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Editis
Publié: 2012-12-12T23:00:00+00:00

1. Brigitte Chamak, Le Groupe des Dix ou les Avatars des rapports entre science et politique, Éditions du Rocher, 1997.

2. Joël de Rosnay, L’Homme symbiotique, Le Seuil, 1995.

3. Philippe Manière, « Médecins, professeurs, un peu de transparence ! », Enjeux-Les Échos, no 241, décembre 2007.

Chapitre 12

Jacob Moreno et Norbert Wiener,

deux précurseurs de la

pensée complexe

La sociométrie de Jacob Moreno

L’un des premiers à avoir eu l’idée de faire émerger du sens et de la science de ces liens interhumains est Jacob Levy Moreno, médecin autrichien né en 1889. Son travail a contribué à faire de l’analyse des réseaux sociaux une science à part entière.

Cet esprit original se tourna vers la psychiatrie après quelques errements de jeunesse : ses débuts viennois était plutôt agités et désargentés. Il se partageait entre les soins gratuits aux prostituées, la création de revues, les inventions techniques (caméra sonore) et surtout le théâtre. C’était un être fondamentalement transdisciplinaire, instable, curieux et créatif, pour lequel j’ai une sympathie toute particulière.

Il reprochait à Freud d’isoler les névrosés dans son cabinet, de les disjoindre de leur milieu. Il inventera le « psychodrame » en faisant revivre à ses patients leurs traumatismes au théâtre ou dans la rue. Mais ce n’est pas l’initiation de cette forme de thérapie toujours pratiquée qui lui vaudra sa notoriété. Son aventure américaine lui permettra de jeter les bases d’une science sociale de pointe : l’analyse des réseaux sociaux. Moreno l’a dénommée « sociométrie », car elle était pour lui fondamentalement quantitative. Cette idée lui est venue en observant les soldats blessés qu’il soignait pendant la Première Guerre mondiale, et en tentant d’organiser leur vie sociale par affinités plutôt qu’en reproduisant la structure sociale militaire. Il émigra aux États-Unis en 1925 où, après de nouvelles années difficiles, il fit un beau mariage en 1928 lui permettant enfin de s’intégrer à la société américaine et de mettre en œuvre ses idées.

Il se passionna pour l’étude des liens sociaux informels, et les examina notamment dans une maison de redressement pour jeunes filles délinquantes, la communauté d’Hudson. Les cinq cents pensionnaires qui la composaient étaient réparties dans seize pavillons d’effectifs identiques. Les Blanches et les Noires étaient affectées à des pavillons distincts (nous sommes dans les années 1930), mais les activités communes de la journée réunissaient des jeunes filles provenant de divers pavillons, sans ségrégation raciale. Moreno se fixa initialement des objectifs d’étude simples : demander à chacune de ces jeunes filles d’en désigner cinq autres à côté desquelles elle aimerait être assise pendant les activités communes. Il nomma la représentation graphique de ces liens « sociogramme » et développa la sociométrie autour de ses expériences et de ce concept. Il améliora sa méthode, avec l’étude conjointe de liens de répulsion et d’attirance par exemple. Elle connut de nombreux développements.

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