La révolution d’Agnès by Jean-Michel Fortier

La révolution d’Agnès by Jean-Michel Fortier

Auteur:Jean-Michel Fortier
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: La Mèche


***

Agnès a couru dehors et contemple la scène sans y croire. Le cuirassé a enfin parlé. D’un tir de canon, il vient de fracasser tout un coin du rocher Percé, qui s’effrite comme une biscotte dans un bol de soupe.

22

LE PLAN

Steven Norton a enfilé le costume brun et le pardessus fournis par Thériault. Ses lunettes l’attendent sur le comptoir de la cuisine ; il devra se débrouiller sans, puisque Dion-Delisle n’en porte pas. Les cheveux en vague comme une star de cinéma, mains propres, ongles coupés, il passera pour l’homme qui a écrit Portrait de Pétrarque s’il arrive à casser cette voûte qui lui plie le dos. Thériault lui répète que Dédé marche très droit. Elle lui suggère de penser condescendance, vanité, supériorité, mépris, sociopathie. Manche à balai dans le cul. Lancer ces insultes à une copie de son bourreau lui procure un plaisir évident qu’elle n’essaie même pas de cacher. Steven Norton n’a jamais entendu certains de ces mots, mais il hoche la tête. Seul bémol :

— Est-ce que Dédé porterait ces gros vêtements et ce manteau aujourd’hui ? Regardez, il fait tellement beau.

— Je vous le dis, il s’en fout. Il a toujours froid, son cœur est de glace et il cherche autant que possible à avoir l’air d’un salaud riche et puissant, genre mafieux des facultés. Non, c’est vraiment l’ensemble parfait, pile dans le ton. Mais tenez-vous droit, de grâce ! Droit comme un I.

Sa voix tonne dans l’appartement, sa peau rayonne. C’est une renaissance. Pour un peu elle le giflerait, ce Dion-Delisle courbé, soumis, presque implorant, qui la galvanise. Elle passe à deux doigts de le faire ; lui vient l’idée qu’une simple bonne claque suffirait peut-être à la soulager, à lui rendre sa vie. Soudain les mots d’Agnès, ses injonctions, résonnent dans sa tête. La volte-face n’est plus possible. Thériault prend Steven Norton par les épaules pour le redresser une dernière fois et lui rappeler le plan.

— Vous avez bien compris l’enchaînement ? Vous descendez par l’escalier de service, vous rejoignez Querbes par la ruelle et vous sortez sur Bernard l’air de rien. Balade de dix minutes, histoire de vous faire voir. À onze heures pile, vous sonnez, j’ouvre, vous montez. La dame du troisième est sur son balcon comme d’habitude ; ça vous assure un témoin. Et puis, on fait ce qu’on a à faire… Regardez, vous utiliserez ce parapluie, avec le pommeau en étain. Mais attention, pas trop fort, n’est-ce pas ? Vous n’êtes pas censé m’assommer non plus. Je crie, vous redescendez en courant, la dame vous revoit passer, vous filez vers la ruelle, vous vous cachez dans la voiture. Voici la clef. Prenez garde de bien vous couvrir avec le drap. C’est compris ? Il y aura des témoins, c’est tout ce qui compte. Et vous lui ressemblez comme un frère.

— Mais ce Dédé, peut-être qu’au même moment, il sera à son travail ou chez le coiffeur. Si des gens le voient ailleurs… Il ne peut quand même pas se trouver à deux endroits en même temps.



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