La polygamie, pourquoi pas ? by Ternaux

Auteur:Ternaux
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Grasset
Publié: 2012-06-14T16:00:00+00:00

La revue Jeune Afrique de septembre 1986 consacrait un dossier à la polygamie (polygynie), qui rassemblait des témoignages. Ainsi celui de Makaïma Cissoko, une Franco-Malienne de vingt-cinq ans : « Je suis pour la polygamie. C’est mon âme de musulmane mais aussi ma raison. Un homme peut difficilement rester fidèle à une femme durant toute sa vie. Il aura une ou des maîtresses, voire des enfants. Pourquoi cacher les choses ? Il est plus propre et plus honnête d’officialiser ses liaisons au grand jour. C’est aussi une façon de reconnaître et de respecter les femmes, de protéger les enfants. La polygamie doit être une institution, pas un vice caché comme en Occident, où il n’y a rien de plus déshonorant, douloureux, que le statut de maîtresse. La polygamie, c’est aussi une façon de limiter les divorces, donc l’éclatement d’une famille avec toutes les conséquences tragiques que cela implique. »

Le journal présente des situations difficiles, mais tout autant d’expériences plutôt réussies de polygamie.

Amina, vingt-cinq ans, malienne : « Je suis mariée depuis sept ans et j’étais la deuxième épouse de mon mari. Après de nombreuses fausses couches, j’ai renoncé à voir médecins et marabouts. J’ai accepté ma stérilité. J’avais très peur que mon mari, que j’aime beaucoup, me renvoie dans ma famille. Il m’a gardée pourtant. Et je suis contente. Pas de problèmes avec mes deux coépouses car mon mari a pris une troisième femme après moi. L’avantage de la polygamie, dans mon cas, c’est que je suis non seulement protégée par un homme à qui je ne donne pas de fils, mais je profite des enfants de mes coépouses. Je m’en occupe comme si c’étaient les miens. J’ai de la chance… »

Khadija, une Suédoise de quarante ans, protestante convertie à l’islam après avoir épousé un Malien déjà marié : « Je m’en arrange parfaitement, je vis cela très bien. C’est très agréable de ne pas se voir tous les jours, pour lui comme pour moi ; on fait un roulement, c’est une respiration naturelle. »

Certaines femmes africaines parlent même de la polygamie comme un moyen d’émancipation de la femme. Ainsi, Lêdji Bellow, togolaise : « Vous savez, les femmes d’aujourd’hui tirent un grand profit de la polygamie, car cette situation leur donne le temps de s’occuper de leurs propres affaires. En Afrique, l’épouse est à la dévotion de son mari et de ses enfants, son temps est entièrement destiné à leurs besoins. Mais quand il y a plusieurs femmes dans un seul foyer, les tâches sont réparties, ce qui laisse à celles qui le veulent le loisir d’avoir leur propre commerce. »

Il n’est évidemment pas question de dresser un portrait idyllique de la polygamie (polygynie), mais de contrebalancer la condamnation qui en est systématiquement faite, le portrait manichéen et souvent caricatural, mâtiné de complexe de supériorité, bardé de fantasmes et d’amalgames, qui est véhiculé dans la société occidentale.

Qu’en est-il en France ? En métropole, la polygamie des ressortissants étrangers est restée autorisée jusqu’en 1993, dans le cadre du regroupement familial.

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