La part des ombres - Tome 1 by Katz Gabriel

Auteur:Katz, Gabriel [Katz, Gabriel]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Jeunesse
Éditeur: Scrineo
Publié: 2016-10-05T22:00:00+00:00

24

Il manquait un poireau. Non, deux poireaux. Ah, si, ils étaient là, sous les navets, avait-on idée de mélanger.

– Je suis désolé, ce n’est pas moi qui prépare les livraisons, se justifia Olen.

L’intendant des cuisines de Sa Majesté eut un geste agacé.

– La prochaine fois, c’est un cageot pour chaque, compris ? J’ai pas le temps de tout vérifier, moi, j’ai une cuisine à faire tourner ! Tu ne vas pas faire de vieux os comme fournisseur du Palais, toi !

– Ça ne se reproduira plus, messire.

– Mouais. En attendant, on vérifie tout. Et s’il manque ne serait-ce qu’une feuille de salade, tu ne seras pas payé.

– Vérifiez. Il ne manque rien.

Le petit homme aux rides creusées eut une moue dubitative. Claquant des doigts pour appeler un commis, il se mit en devoir de compter légume après légume, en marmonnant que les marchands étaient des ingrats, et que si ça ne tenait qu’à lui, il cultiverait ses propres légumes dans la cour du Palais. Tout se passait comme prévu. On avait suffisamment répété à Olen que le cuisinier ne supportait pas l’approximation, et qu’en cas de doute, il passerait une heure à détailler le contenu de la livraison. À l’abri des regards dans sa carriole bâchée, Olen avait allègrement mélangé les légumes, et à présent, les choses sérieuses allaient commencer.

– Je peux vous aider, proposa-t-il hypocritement.

– À compter ta propre marchandise ? Non, merci, je ne suis pas idiot.

Il fit quelques pas dans la cuisine, hochant la tête devant la cheminée monumentale où trois porcs entiers cuisaient lentement à la broche. Un commis le bouscula, une fois, deux fois, avant de lui demander de ne pas rester dans le passage. Olen battit en retraite vers l’office, où il louvoya entre les caisses, les tonneaux, les carcasses de gibier. Lorsqu’il croisait un regard, il répondait par un sourire assuré, comme s’il faisait partie des meubles, et personne ne lui demanda ce qu’il faisait là. Un instant plus tard, il empruntait un petit escalier qui s’ouvrait sur un couloir aux murs bleus, sans vraiment savoir où il allait. La petite étude de l’intendant devait se trouver quelque part derrière l’une de ces portes, à proximité des cuisines. C’était là, sans doute, que l’on enfermait les registres, comme dans toutes les grandes demeures du monde.

Olen fit jouer une poignée au hasard, la porte était verrouillée. La suivante était ouverte, mais ne donnait que sur une réserve sombre où s’entassaient des champignons. Un valet passa, lui jetant un regard méfiant.

– L’intendant des cuisines, demanda Olen, tu sais où je peux le trouver ?

– Ben… aux cuisines.

Avec un sourire niais, Olen fit mine de rebrousser chemin, mais lorsque le valet eut disparu, il reprit son exploration. Ce qu’il cherchait, il l’ignorait lui-même – peut-être un registre où seraient consignées les allées et venues des fournisseurs ? Une liste de convives, un trousseau de clés ? N’importe quoi en somme qui puisse donner un sens à cette infiltration qui n’allait nulle part. Desmeon avait raison : livrer des légumes au roi était aussi utile à la cause que de pisser dans une mandoline.

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