La musique des âmes by Sylvie Allouche

Auteur:Sylvie Allouche [Allouche, Sylvie]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Jeunesse
ISBN: 9782748529876
Éditeur: Syros
Publié: 2021-01-13T23:00:00+00:00

7

Les Morel sont partis quelques jours à la campagne. Ils devaient se mettre au vert, comme on dit. Depuis le sabotage de la voie ferrée, la police est sur les dents. Il y a eu des arrestations, des interrogatoires. Pour l’instant Blanche et Jean sont passés au travers des mailles, mais mieux vaut rester prudents. C’est René, un ami de Jacques, qui leur a prêté la maison, une petite bâtisse aux murs couverts de lierre et aux volets bleus. Là-bas, Matthias a retrouvé une certaine joie de vivre. Les longues balades à vélo avec ses parents, les promenades avec Henriette, les baignades dans le lac. Comme si la guerre était ailleurs, loin...

Matthias appréhende le retour. Il est si bien ici. La seule chose qui le motive, c’est de retrouver son ami Simon pour lui raconter ses vacances.

À peine arrivé à Paris, il déballe ses affaires et ouvre l’herbier qu’il a confectionné et dont il est très fier. « Dès demain, j’irai le montrer à Simon », se dit-il en le posant sur sa table de nuit avant de s’endormir.

La lune répand sa douce clarté dans les rues désertes. La nuit est calme. Trop calme. Soudain, les sirènes poussent leurs longs cris stridents, annonçant le passage des bombardiers au-dessus de Paris.

Blanche aide Matthias à enfiler son pantalon. Il a encore les yeux fermés par le sommeil.

– Dépêchez-vous ! dit Jacques. Je descends avec Henriette.

Dans l’escalier, une horde dévale les marches. Il faut faire vite, ne pas réfléchir, avancer. Des femmes portent leur bébé emmitouflé, tandis que les plus grands s’accrochent à leurs jupes.

Dans la cave sombre et humide, aux murs couverts de poussière de charbon, se déverse une marée humaine. Matthias et Blanche cherchent Henriette et Jacques en enjambant ceux qui ont déjà trouvé une place. Des enfants pleurent, la peur et le manque de sommeil, sans doute. Les parents tentent de les rassurer du mieux qu’ils peuvent.

« Matthias, par ici ! » Le jeune garçon se retourne. C’est Henriette. Tant bien que mal, avec sa mère, ils réussissent à s’asseoir près d’eux.

Les visages sont livides. Les sirènes n’ont pas cessé, mais maintenant le silence s’impose. Plus un mot, chacun se blottit contre l’épaule de l’autre, même si c’est un parfait inconnu. Quelques-uns parviennent à s’endormir.

Ainsi en est-il des alertes, le jour et parfois plusieurs fois par nuit, répandant dans les abris une horde de Parisiens apeurés et lassés.

– Je suis sûr qu’un jour, il y en aura une qui finira par nous tomber sur le coin de la figure, j’vous l’dis, moi ! fait un homme en pyjama.

– Hé ! Gardez vos prophéties à deux sous pour vous, s’énerve une dame qui ne cesse de triturer l’ourlet de sa robe.

Matthias a posé la tête sur les genoux de sa mère. Il repense aux vacances, à ces douces heures où le soir il regardait le soleil rouge plonger dans le lac...

Blanche tressaute, sortant Matthias de sa rêverie. « Elle doit pleurer, elle en a assez de tout ça, elle voudrait que tout s’arrête », se dit-il en se redressant pour la consoler.

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