La maison qui parcourait le monde by Sophie Anderson

Auteur:Sophie Anderson [Sophie Anderson]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: L'École des Loisirs
Publié: 2022-04-08T00:00:00+00:00

Toc, toc, toc.

J’ouvre instantanément les yeux.

Toc, toc, toc.

Je me lève précipitamment, les yeux plissés contre le soleil qui entre par la fenêtre. Les bruits du marché retentissent dans l’air : des pots s’entrechoquent, des paquets crissent, des pièces de monnaie tintent.

Toc, toc, toc.

— J’arrive !

C’est probablement la vieille Yaga qui vient voir si je vais bien. Mais pourquoi la maison ne l’a-t-elle pas tout simplement laissée entrer ? Je dois m’arc-bouter sur la porte pour la faire bouger, et, quand elle s’ouvre enfin, je comprends pourquoi la maison m’a opposé une telle résistance.

C’est l’une des deux filles qui se sont moquées de mon foulard. Une fille vivante. Incrédule, j’ouvre de grands yeux. Aucun Vivant n’est jamais venu jusqu’à la porte d’entrée de la maison. Soudain, je me rappelle que je n’ai pas construit la clôture hier soir et j’en rougis de remords, mais pas longtemps, car je me demande combien de rencontres avec des Vivants j’aurais pu faire si je n’avais pas construit la clôture tous les soirs comme on me l’a demandé. Combien pourrais-je en faire à l’avenir si je ne la construisais plus jamais ?

— Bonjour. (La fille se mord la lèvre et m’observe, soucieuse.) Je m’appelle Salma. Mon père m’a demandé de venir m’excuser parce que je me suis moquée de toi ce matin. (Elle soupire bruyamment.) Il nous a entendues, mon amie et moi, dire que tu ressemblais à une sorcière. C’était juste pour rire. Je suis désolée. Et je t’ai apporté ça.

Elle me tend un foulard de soie vert vif. Mon cœur se serre, car il me rappelle la couleur de la robe de Nina. Muette, je le regarde : personne ne m’a jamais fait de cadeau, sauf Baba, bien sûr.

— C’est parce que tu as laissé tomber le tien dans la flaque d’eau, reprend Salma, et que celui-ci ira vraiment bien avec la couleur de tes cheveux.

Je sens la soie douce et fraîche entre mes doigts, et je pense à la robe de Nina tourbillonnant dans l’océan quand nous nous sommes baignées ensemble.

— Merci, dis-je. Il est magnifique.

Elle hoche la tête. Son regard passe des murs en bois qui s’affaissent aux fenêtres avachies.

— Ta maison est vraiment bizarre. Elle ressemble beaucoup à celle qui est à côté de l’étal de mon père. C’est la vieille femme qui me l’a dit. C’est comme cela que je t’ai retrouvée… C’est un agneau ?

Son regard s’éclaire à la vue de Benji qui arrive en glissant sur le plancher.

— Je peux le voir ?

Elle en a vraiment envie. J’hésite, car je sais que je ne devrais pas laisser des Vivants entrer dans la maison, mais elle me regarde, les yeux brillants, et des fossettes se creusent dans ses joues, et je ne peux refuser. Je fais un pas en arrière.

— Oui, bien sûr. (Je pose le foulard sur le dos d’une chaise et je prends Benji dans les bras.) Tu veux le caresser ?

Salma passe un doigt sur le sommet de son crâne et rit.

Une bourrasque s’engouffre dans la cheminée qui recrache un nuage de suie dans sa direction.

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