La Guerre des vaccins by Patrick Zylberman

La Guerre des vaccins by Patrick Zylberman

Auteur:Patrick Zylberman
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Éditions Odile Jacob
Publié: 2020-05-22T06:53:52+00:00


La fin des grands récits de légitimation

Le sol même de la vérité – de l’idée même de vérité et pas seulement la vérité des énoncés – se dérobe. Dans La Condition postmoderne (1979), Jean-François Lyotard avait diagnostiqué une crise de légitimité du savoir et des institutions politiques. Qui a le droit de décider de ce qui est vrai ? La société n’apportait plus de réponse claire. Semblable fléchissement de la foi dans la science et le progrès n’était pas une nouveauté, la fin du XIXe siècle en avait déjà donné de multiples exemples. Cet effondrement des grands récits de légitimation du savoir : idéalisme cartésien ou hégélien, culture humaniste, idée de progrès, était toutefois indissociable désormais de la perte de légitimité de l’État-nation. Sur le moment, Lyotard a pu nous paraître outré, et pourtant l’avenir lui a donné raison. Ce mouvement lent mais inexorable d’anéantissement des grands récits153, ses effets en sont à présent bien visibles. Aujourd’hui, si le public est toujours curieux de la science, il est encore plus curieux des dangers de la science. Un sondage effectué en Grande-Bretagne en 2008 révélait ainsi que, si 80 % des personnes interrogées se déclaraient « étonnées par les conquêtes de la science », seules 46 % pensaient que « les bénéfices de la science surpassent ses dangers et ses risques154 ». Un an plus tard, le président de l’Académie des sciences des États-Unis expliquait que les déboires du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat de l’ONU (GIEC) avaient encore accentué la méfiance du public à l’endroit des scientifiques155. En France, une enquête Ipsos intitulée « Les Français et la science », parue dans Le Monde du 16 juin 2011, soulignait que, si les Français faisaient globalement confiance à la science, ils n’en exprimaient pas moins beaucoup de méfiance à l’endroit des scientifiques, dans des domaines sensibles comme le nucléaire, les nanotechnologies, les OGM ou encore l’environnement et la santé156. Notre âge est celui d’une foi naïve dans le pouvoir de la science coexistant avec le refus d’un monde mécanique et glacé que la science, inconsidérément, paraît nous proposer157 (voir supra, chapitre 1).

Médecine et santé étaient elles aussi fondées sur un grand récit de légitimation. Récit qui, dès la fin des années 1970, est également entré en crise158. Avec l’effraction du VIH/sida, d’Ebola, de la maladie du légionnaire, le triomphalisme médical a dû en rabattre. Privé de légitimité, le savoir scientifique sera dès lors « obligé de se présupposer lui-même et tombe ainsi dans ce qu’il condamne, la pétition de principe, le préjugé159 ». Oui, privé de légitimité semble à présent le savoir, ou du moins la recherche en biologie, comme le souligne l’éditorial de Nature cité plus haut. Si l’on préfère, aux yeux du grand public, la science semble ne plus avoir désormais pour référentiel la vérité mais seulement l’efficacité et la performance. Ennuyeux, au moment où l’on prétend imposer l’obligation vaccinale fondée sur la vérité scientifique. À peine le dogmatisme est-il rejeté que l’on s’empresse ainsi de trébucher sur le piège d’un scepticisme outré.



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