La Fille De La Fabrique by Gleize Georges-Patrick

La Fille De La Fabrique by Gleize Georges-Patrick

Auteur:Gleize, Georges-Patrick [Gleize, Georges-Patrick]
La langue: fra
Format: epub
Tags: litt. française, La Gang©
Éditeur: Calmann-Lévy
Publié: 2012-12-31T17:00:00+00:00


À l’évocation de ces instants, les mots moururent sur ses lèvres et Monique s’interrompit, submergée des souvenirs douloureux de ce « passé qui ne passait pas ». Une brusque bouffée d’infinie tristesse l’avait assaillie qui acheva de voiler le son de sa voix d’une émotion mal contenue. Rêvait-elle ? Devant ses yeux où une larme menaçait de perler, la silhouette translucide et diaphane de sa mère venait de surgir pour mieux la ramener vers ce temps qu’elle avait si souvent cherché à oublier. À l’instar de ces films fantastiques mettant en scène quelque fantôme issu du royaume des morts-vivants, la Marguerite de son enfance lui apparaissait, jeune et belle, tel un de ces hologrammes qui aurait traversé l’immensité de l’espace-temps pour se projeter, en une survivance du temps passé, dans le monde d’aujourd’hui.

Et cette maman si douce et aimée tourbillonnait en un étrange quadrille silencieux dans cette robe de shantung bleu clair qu’elle affectionnait tant de porter juste avant de tomber malade, à l’aube des années trente. Certes, avec les mois et les années, Monique avait quelque peu oublié les intonations de la voix de sa mère et il lui fallait faire un effort pour les percevoir encore. Mais les réminiscences qui l’avaient envahie brutalement avaient autant de puissance que celles de l’autan blanc en hiver quand il enveloppe les Pyrénées d’un manteau de fraîcheur glacée. Comment pourrait-elle oublier ces moments difficiles où toute une partie de sa vie s’était écroulée à jamais ? Monique baissa la tête et Clémence, dans un mouvement de sympathie naturelle, mit sa main sur la sienne avant de lui demander, comme pour l’aider à tourner cette page encore douloureuse :

– Vous êtes restée pensionnaire au lycée même après la disparation de votre mère ?

– Oui, j’étais en série A prime, latin-langues… j’ai passé la seconde partie de mon bachot début juillet 1936.

– Au moment donc où le gouvernement du Front populaire commençait à prendre les premières mesures en faveur de la classe ouvrière ?

– Oui, d’ailleurs nous n’avions guère l’esprit à l’étude…

– Et pourquoi donc ?

– Si vous vous en souvenez, l’atmosphère du temps était assez particulière : Il y avait eu toutes ces grèves, comme celle qui avait éclaté en mai chez Latécoère, ces manifestations quotidiennes, toujours bon enfant, ces meetings gigantesques où la foule des travailleurs, notamment les ouvriers de l’ONIA, communiait dans une grande fraternité avec la masse des employés et des gens de maison encore nombreux dans cette France d’avant-guerre.

– Oui, toute la classe ouvrière se dressait contre le fascisme, répondit Clémence dans un sourire où l’on distinguait un brin de nostalgie dont on ne pouvait dire s’il était propre aux regrets d’une jeunesse enfuie ou à des opinions politiques marquées par la fréquentation de militants du PCF.

– Oh, vous savez, 1936, c’est un surtout un mythe, expliqua Monique avec une petite moue significative.

– Un mythe ? Ah… Pourtant, à l’usine de Saint-Manciaux, près de Saint-Gaudens, là où travaillait mon homme à l’époque, il y avait une sacrée ambiance. C’était



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