La fille de braises et de ronces by Carson Rae

Auteur:Carson Rae [Carson Rae]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: French ebooks
Publié: 2013-01-11T01:25:00+00:00

18.

Le lendemain, j’utilise le dernier fragment de parchemin disponible dans le village pour écrire une courte lettre à l’intention de Ximena, que je confie à un garçonnet bombardé agent de liaison.

Je passe ma journée en compagnie du père Alentin. Escaladant les ruelles, nous interrogeons chaque habitant. Je note leur nom, ainsi que leur village d’origine et leurs compétences particulières, sur une peau de mouton grossière qui me fait aussitôt regretter la souplesse du parchemin. Même les plus petits m’impressionnent par leur débrouillardise : ils savent cuisiner, coudre, s’occuper des bêtes et sculpter le bois.

Alentin m’est d’une aide inestimable ; il pose des questions qui ne me seraient jamais venues à l’esprit et les traite tous avec une gentillesse désarmante en accordant une attention supplémentaire aux tout-petits. J’ai bientôt en main une liste composée de cinquante-six noms. Seul Humberto a échappé à notre interrogatoire. Cosmé m’informe qu’il est parti chasser dès les premières lueurs du jour, écœuré de manger du mouton à tous les repas.

En fin d’après-midi, Cosmé et Belén me rejoignent dans mon alcôve. Nous étudions la liste tout en dévorant un gigot d’agneau garni de haricots blancs et de champignons.

— Seuls quinze d’entre eux sont capables de manier un arc, remarque Belén.

— Combien de temps nous faudrait-il pour former les autres ? Pas pour qu’ils deviennent des archers émérites, juste pour qu’ils sachent viser.

— Peu de temps, mais là n’est pas le problème. Il nous faudrait plus d’armes. Cela prendrait du temps d’en fabriquer. On manque de bois dans la région.

— Neuf savent se servir d’un lance-pierres, ajoute Cosmé. Pour faire un lance-pierres, il nous faut seulement du cuir. Et des cailloux. Les garçons adorent ça, lancer des cailloux.

— Génial ! ironise Belén en levant le poing de la victoire. Sauvons le monde avec des frondes !

— Quiconque peut tuer un lapin à vingt pas peut tuer un soldat d’Invierne à dix.

— Très bien. Dans ce cas, tout le monde va s’entraîner à manier le lance-pierres, et nous trouverons ensuite un moyen de bricoler des arcs et des flèches.

Si l’on se fie à notre liste, nous comptons parmi nous un forgeron - mais pas de fer. Plusieurs couturières - qui ne savent pas à quoi ressemble l’uniforme de l’ennemi. Une sage-femme (qui a aidé Cosmé à recoudre les blessés), deux chasseurs qui ont dissimulé leurs pièges dans les collines bien avant l’invasion d’Invierne. Mara est une cuisinière renommée. Les autres - des enfants, en majorité - se débrouillent très bien tout seuls, mais n’ont aucun talent spécial. Tant de gens, tant de compétences différentes. À moi de les exploiter à bon escient.

Je prends la parole malgré la migraine qui me pend au nez :

—J’ai besoin d’informations supplémentaires.

— Sur les gens du village ? Tu n’as qu’à demander.

— Non. Sur Invierne. Sur leur armée. Qui saurait se rapprocher de leur camp sans se faire remarquer ?

— Moi ou Belén, ou même mon frère, sans problème.

— Assez pour les observer deux ou trois jours ?

Cosmé et Belén échangent un regard. Ce regard, il signifie qu’ils se connaissent par cœur, depuis leur plus tendre enfance.

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