La croix de feu - Partie 1 by Gabaldon Diana

Auteur:Gabaldon, Diana [Gabaldon, Diana]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature Américaine
Éditeur: Alaouet - Gigatribe (Kezacoco - TAZ)
Publié: 2011-11-23T20:06:42+00:00

20

Leçons de tir

Coupable et inquiète, Brianna se retourna. En contrebas, le feuillage des châtaigniers avait englouti la maison dans un océan de tons jaunes, mais pas les pleurs de son enfant.

Roger suivit son regard et fronça les sourcils.

– Cesse de t’inquiéter, mon cœur. Ta mère et Lizzie occuperont bien de lui.

– Lizzie va le pourrir, admit-elle.

Elle en était presque jalouse. Elle imaginait la jeune fille allant et venant toute la journée avec Jemmy dans ses bras, jouant avec lui, lui faisant des risettes et le gavant de gâteau de riz à la mélasse… Une fois remis du départ de sa mère, Jemmy serait ravi de toutes ses attentions. Un soudain élan de possessivité l’envahit. Elle détestait l’idée qu’une autre femme qu’elle joue aux dix petits cochons avec les orteils de son fils.

En vérité, elle ne supportait pas d’être séparée de lui, voilà tout. Pour le tendre à Claire, elle avait déplié ses petits doigts agrippés à sa chemise et ses cris de panique résonnaient encore à ses oreilles, amplifiés par son sentiment de culpabilité. Elle revoyait son visage baigné de larmes et son air à la fois trahi et outré.

D’un autre côté, elle avait grand besoin de s’évader un peu. Elle avait été impatiente de décoller de sa peau les mains poisseuses de son enfant et de déguerpir, libre comme ces oies sauvages qui filaient vers le sud en empruntant les cols de montagne. Malgré elle, elle devait bien reconnaître que sa mauvaise conscience serait moins grande si elle n’avait pas autant désiré laisser Jemniv derrière elle.

– Je sais que tout se passera bien, dit-elle pour si rassurer. C’est juste que… c’est la première fois que je me sépare de lui aussi longtemps.

– Mmphmm.

Le grognement neutre de Roger pouvait être interprété comme de la compassion. Toutefois, pour lui, la situation était claire : le temps était venu pour Brianna de se détacher un peu de son bébé.

Une pointe de colère lui monta au nez, mais elle si mordit la langue. Après tout, Roger n’avait rien dit, même si cela lui avait visiblement coûté de sérieux efforts. Elle pouvait donc en faire elle aussi. En outre, il n’était pas juste de lui chercher querelle uniquement à cause des supposées pensées qu’elle lui prêtait.

Elle ravala la remarque acerbe qui pendait à ses lèvres et lui sourit.

– C’est une belle journée, n’est-ce pas ?

L’air méfiant de Roger se dissipa aussitôt et il lui renvoya son sourire, se yeux devenant d’un vert aussi profond et frais que l’épais tapis de mousse sous leurs pieds.

– Superbe ! répondit-il. Ça fait du bien de sortir de la maison, non ?

Elle lui lança un bref coup d’œil, mais son observation était tout à fait factuelle et sans arrière-pensée.

Elle répondit en hochant la tête, tournant son visage vers la brise qui faisait frémir les épinettes et les sapins autour d’eux. Un tourbillon rouille de feuilles de tremble les enveloppa, s’accrochant un instant à la toile épaisse de leurs culottes et à la laine fine de leurs bas.

– Attends un instant.

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