La cour des grandes by Adèle Bréau

Auteur:Adèle Bréau [Bréau, Adèle]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: JC Lattès
Publié: 2015-04-07T22:00:00+00:00

*

— Éva ! Mais attends-moi. Pourquoi tu cours, c’est ridicule.

— Laisse-moi, je dois retourner bosser. Langue de bœuf comptabilise chaque minute de mon temps.

— C’est qui, ça, Langue de bœuf ? Ton boss ?

— Bien vu, Sherlock. Toujours aussi vif, à ce que je vois.

— Toujours aussi cynique pour ta part. Et jolie. Mais ça n’a rien à voir, je te le concède.

— Tu fais chier.

Elle sourit, consciente du ridicule de son comportement, et de la joie qu’elle ressentait à se trouver si près de lui. Il lui souriait lui aussi, la fixant avec cette intensité qui l’avait fait flancher ce fameux soir. Il avait taillé sa barbe, et coupé ses cheveux. Il portait un jean, des baskets plus à son goût et une chemise bleu ciel qui lui donnait une allure davantage conforme à l’idée qu’elle se faisait d’un homme pouvant s’accorder avec elle. En bref, elle le trouvait beau. Et elle se rendit compte que ses mains tremblaient alors que son rythme cardiaque s’était accéléré. Midinette ! Pauvre fille ridicule. Tu devrais retourner à ton poste, pondre ta dernière news et rentrer chez toi. En plus, tu dois racheter du beurre, c’est marqué sur le frigo, tu te souviens ? Non, elle s’en contrecarrait bien de tout ça.

— Tu bois un verre ?

— J’ai encore une heure à tirer.

— Je peux t’attendre.

— Qu’est-ce que tu fous là, d’ailleurs ? C’est ta copine, la stagiaire ?

Il avait souri à nouveau, faisant durer le suspense.

— Ça t’intéresse, Fantômette ?

— Non, je ne sais pas. C’est pour parler. Je m’en fous, tu fais ce que tu veux.

— Encore heureux. Non, c’est ma petite sœur.

Elle préféra ne rien ajouter, consciente qu’il la cernait mieux qu’elle ne l’aurait souhaité.

— On dit 19 heures, rue de la Terrasse ? Il y a un grand café que j’aime bien.

— OK, mais je ne resterai pas longtemps.

— J’imagine… Allez, va donc écrire ce bel article que le monde des médias attend avec tant d’impatience.

— Salaud.

— Moi aussi, tu m’as manqué.

Elle s’était retournée pour lui cacher son trouble, et les commissures de ses lèvres qui s’étiraient par réflexe sans qu’elle ne puisse rien y faire. De retour devant son PC, Sabine avait bien tenté de la questionner. C’était qui ce type ? Mignon, en tous cas. Super beau gosse, même. Tu vas quand même pas tromper ton mec enceinte. Quoique… Y’a rien qui l’interdit non plus. Mais tu le connais d’où ? C’est rien, un vieux pote. Laisse-moi finir cette news sur Plus belle la vie ou Langue de bœuf me tuera. Plus belle la vie, tu l’as dit. Smiley. Fin de la conversation Skype. Cliquetis enthousiaste du clavier qui s’anime, impatient lui aussi de rendre les armes après cette dure journée de labeur. Même le bruit sourd des basses qui sortait du casque de son voisin d’infortune l’avait réjouie. Elle n’avait plus pensé qu’à lui. Jacques. Comme Jacques Brel. Même pas jeté un coup d’œil à son portable, de peur d’y trouver un texto banal de Vincent.

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