La construction du surhomme by Onfray & Michel Onfray

Auteur:Onfray & Michel Onfray
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: BERNARD GRASSET

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La loi de l’idiosyncrasie. L’idiosyncrasie fait donc la loi. De sorte que si le corps pense, ça n’est pas chez tout le monde le même corps, le même tropisme corporel qui décide : chez l’un, les manques philosophent, chez l’autre ses richesses et ses forces ; ici la vie descendante, là la vie ascendante ; une fois la maladie, ailleurs la grande santé, la pétulance, la vitalité ; parfois la détresse, la mélancolie, la lassitude, l’épuisement, l’appauvrissement, ou bien la vigueur, la puissance, la robustesse, l’abondance. Pour ajouter aux Lumières de sa psychologie nouvelle, Nietzsche fait entrer dans l’histoire de la philosophie une notion appelée à un certain succès : l’inconscient. « Inconsciemment » écrit-il dans sa préface, le corps veut, crée, produit, élabore des pensées constitutives d’autant de réponses aux énigmes posées par lui.

« Le travestissement inconscient de besoins physiologiques sous les masques de l’objectivité, de l’idée, de la pure intellectualité, est capable de prendre des proportions effarantes – et je me suis demandé assez souvent si, tout compte fait, la philosophie jusqu’alors n’aurait pas été uniquement une exégèse du corps, et un malentendu à propos du corps. » Ce sont donc les forces corporelles, ou leur défaut, qui, chez les philosophes, produisent leur pensée. La vérité ? Un prétexte ontologique pour la crudité de cette évidence qu’un corps plus ou moins sain tâche de résoudre le problème posé par son idiosyncrasie. Le ciel des idées ramasse les ratages existentiels de pensées débiles, au sens médical du terme…

Nietzsche parle de transfiguration d’états de santé divers et multiples : autant d’états de santé, autant de pensées. La maladie génère une philosophie qui répond aux questions posées par la santé défaillante. De la physiologie transfigurée, voilà la matière, la source, la généalogie de toute philosophie. La multiplicité des formes physiques d’un être explique la multiplicité des formes philosophiques produites par ce même être. Nietzsche donne la clé de la compréhension de son œuvre complète qui explique pourquoi il put, un temps, célébrer Wagner dans La Naissance de la tragédie puis, dans les derniers moments de son existence lucide, écrire Le cas Wagner, tout en restant le même, du fait même de la variation de ses états de santé : du nihilisme pessimiste de ses jeunes années à l’affirmation de la grande santé de ses derniers moments conscients.

Un esprit rapide ou mal informé verrait dans ces prises de position différentes des contradictions qui infirmeraient la validité de la pensée de Nietzsche, ou qui témoigneraient pour des moments différents avec des pensées contradictoires : un temps schopenhauerien, puis un temps violemment opposé au philosophe dont les idées, dira-t-il, sentaient le croque-mort ; un moment wagnérien, puis un moment où le compositeur devient le parangon de l’impuissance, du nihilisme et de la décadence ; une époque sous le signe de Paul Rée et Lou Salomé, puis une époque de violente détestation de ces deux figures ; une période dite de « l’idylle héroïque » placée sous le signe d’Epicure, puis une période où le

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