La Chasseuse et l'Alchimiste by Allison Saft

Auteur:Allison Saft [Saft, Allison]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Jeunesse, Fantasy, Littérature américaine, Romance fantastique
Éditeur: Bragelonne
Publié: 2023-02-28T23:00:00+00:00

18

Alors que l’après-midi emplit le manoir d’une lumière dorée et apaisante, Wes est toujours au lit. Margaret ne peut l’en blâmer ; hier soir, ils sont rentrés à minuit et il n’avait quasiment pas dormi de la semaine. Et puis, après son exploit de la veille, il mérite bien de flemmarder au lit toute la journée.

Elle peine encore à croire qu’il a vraiment réussi. Après s’être laborieusement frayé un chemin dans la foule des spectateurs sur la place du village, elle a assisté au moment où la lumière alchimique a illuminé son visage, aussi radieux qu’une étoile tombée du ciel. Pour la première fois depuis des années, elle a été saisie par la conscience que l’alchimie peut être étrangement belle. Que, peut-être, elle ne fait pas que blesser.

À présent, si elle termine à une bonne place dans l’épreuve de tir en fin de semaine, ils se retrouveront dans le premier équipage, et auront alors une vraie chance de l’emporter.

Dans sa chambre, Margaret découvre Balourd roulé en boule sur son lit, somnolant dans une mare vaporeuse de soleil. Elle a un instant l’impulsion de le chasser, mais ne parvient pas à s’y résoudre. Grâce à Wes, elle se sent aujourd’hui tendre et pleine d’espoir – et déstabilisée d’éprouver cela. Elle a furieusement envie de sa compagnie, ce qui ne va pas du tout.

Il est déjà assez dommageable qu’elle ait fait quelque chose qu’elle ne peut plus défaire : s’autoriser à reconnaître, ne serait-ce qu’une fois, l’attirance qu’il y a entre eux. Elle peut accepter de se laisser aller à rêvasser sur ce qu’ils pourraient faire de cette maison vide, avec ses alcôves cachées et ses recoins ensoleillés. Elle peut vivre en sachant à quoi il ressemble, penché au-dessus d’elle et soudain dépouillé de son armure de nonchalance. Mais le danger vient du trouble qui la saisit au souvenir de la manière dont il l’a serrée contre lui hier soir, comme si c’était la chose la plus naturelle du monde. Il avait un sourire si franc, si candide. Réjoui. Sa démonstration d’affection libre et spontanée lui rappelle par trop ce qu’elle a perdu – et ce qu’elle peut perdre encore.

Margaret ouvre la fenêtre et offre son visage à la caresse fraîche du vent. Il est trop tard pour s’entraîner, à moins de vouloir se faire surprendre par la nuit, mais elle ferait aussi bien de mettre à profit cette énergie débordante. Ce serait humiliant si la performance de Wes éclipsait la sienne.

Elle récupère ses outils dans le placard, décroche son fusil du support mural et le dépose sur le sol. Démonter son arme et la nettoyer est son rituel à elle, une tâche qu’elle pourrait exécuter les yeux fermés. Le temps qu’elle finisse de lubrifier le métal et de lustrer la crosse, l’odeur du kérosène et du plomb lui fait tourner la tête. Le bois du fusil miroite au soleil, aussi doré et chaud que du miel.

— Balourd.

Le chien redresse vivement la tête. L’une de ses oreilles se replie sur elle-même.

— Balourd, répète-t-elle, d’une voix plus enjouée cette fois.

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