La chair est triste hélas by Ovidie

La chair est triste hélas by Ovidie

Auteur:Ovidie [Ovidie]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Autobiographie, Récit(s), Sexualité, Littérature française
Éditeur: Julliard
Publié: 2023-02-15T06:48:33+00:00


Ni soumission, ni domination, ni volonté d’avilir, juste une chambre mentale à soi, mon propre palais des fantasmes, dans lequel les hommes finiront par être définitivement personæ non gratæ.

Je ne hais pas les hommes, que ce soit dit. Il en existe certains pour qui j’éprouve une affection infinie. Je ne les hais pas en tant qu’individus, je les hais au lit, nuance. Je ne les déteste pas en tant que groupe social homogène, constitué de sujets victimes d’une prédisposition génétique à devenir de gros connards. Non, je veux juste ne plus jamais avoir à coucher avec eux. Et à ceux qui m’accuseront d’avoir un problème à régler avec le sexe, je réponds que c’est justement parce que je n’ai ni tabous ni interdits que j’ai cette clairvoyance. À mes yeux, le sexe n’est ni transgressif ni honteux. J’ai même du mal à saisir une telle fascination pour si peu, pour une chose finalement très simple. On le sait, les personnes qui jouissent dans la transgression sont les pires pervers.

Alors non je ne les déteste pas, j’aime mon père, j’aime mon frère, j’aime mes amis masculins. J’aime les hommes qui ont pour moi un amour pur et désintéressé, un inconditionnel attachement dénué de sexualisation. J’aime ceux qui voient en moi une sœur, une fille, une amie, surtout pas une mère ou une putain, éventuellement une compagne de création ou une camarade de lutte, et qui ne poseront jamais la main sur moi. J’aime les hommes avec qui je crée, avec qui je peux partager des projets artistiques, ceux avec qui je réalise des films, qui m’aident à penser ma narration ou ma composition de l’image. Je les aime car j’ai l’impression de faire un enfant avec eux dans une sorte de conception miraculeuse. J’aime les hommes qui ne planifient pas de me sauter, je considère que seules les relations platoniques permettent des échanges sincères et sans ambiguïté. J’aime les hommes qui, comme moi, croient en l’amitié. Ils sont rares, malheureusement.

Et maintenant que j’ai écrit noir sur blanc pourquoi je ne veux plus coucher avec eux, peut-être vous demandez-vous ce que j’aurais aimé qu’ils me fassent, comment j’aurais souhaité qu’ils se comportent. « Leur as-tu seulement posé la question ? » me demande mon ami Xavier, navré que je ne ressente pour ses congénères que rancœur. Non, je n’ai rien demandé, ou si peu. Peut-être qu’au fond je ne savais pas vraiment quoi exiger. Je suis une femme et les femmes sont éduquées à faire plaisir avant tout, elles ne savent pas ce qu’elles veulent. Elles découvrent généralement ce qu’elles aiment par élimination. Me voici donc bloquée à ce stade depuis bientôt quatre ans, avec une idée précise de ce que je souhaite rayer de ma vie, mais pas encore de ce que je suis prête à accueillir. Non, je ne sais pas ce que je veux parce qu’on ne m’a jamais appris à me concentrer sur mon désir. Ou plutôt disons qu’on m’a appris que mon plaisir dépendait de ma capacité à faire plaisir.



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