La bonne parole by Roger Faller

Auteur:Roger Faller [Faller, Roger]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 2265008257
Éditeur: Éditions du Fleuve Noir

CHAPITRE X

Tout de suite après le départ de la voiture emmenant Alain Vidal vers une destination inconnue, Frédéric Leroussy réalisa qu’il allait être obligé de pénétrer dans le monde du mensonge encore plus profondément que ne l’y obligeaient, jusque-là, ses relations avec Valérie. Mentir à Marthe, compte tenu de la naïveté de cette dernière, était dérisoirement facile. Mais à la police ? Il allait falloir prendre de formidables précautions.

Il appela sa femme pour lui dire qu’il était retenu par un important entretien. Il rentrerait tard et peut-être pas du tout. Côté Marthe, il n’y eut pas de problème.

Il pensa à Valérie qui savait, elle, que son mari devait passer ce soir à 18 heures à La Bonne Parole et l’appela à la clinique.

— Dis donc, fit-il, ton mari est exact, d’habitude ?

— Quand il s’agit de trouver de l’argent, oui. Pourquoi ?

— Parce qu’il est presque 19 heures et qu’il n’est pas encore là.

— Tu m’étonnes. Attends encore un peu. À demain.

Frédéric Leroussy raccrocha. Il essuya soigneusement le coin du coffre-fort et vérifia s’il n’y avait pas de traces de sang sur le plancher. Il n’en vit pas.

Ensuite, il fit un petit tas des quelques papiers trouvés sur Alain ‒ lettre et photocopies comprises ‒ et y mit le feu. Pour ce qui n’était pas consumable, il verrait ça avec Émile dès son retour.

Comme tout homme dont la vocation est de juger et de condamner les autres, Leroussy n’avait pas un goût prononcé pour l’autocritique. C’est précisément ça qui lui conférait un certain calme seulement tempéré par l’idée ‒ qui subsistait ‒ qu’il pouvait fort bien se faire coincer par la police si un incident imprévu intervenait avec Émile, par exemple.

Un peu après 20 heures, celui-ci revint, l’air satisfait.

— Ça s’est bien passé ! annonça-t-il.

— Où l’avez-vous mis ?

— Je vais vous dire quelque chose, monsieur Frédéric, si je puis me permettre. Moins vous en saurez là-dessus, mieux ça vaudra. Il suffit ‒ on ne sait jamais ‒ que les flics nous interrogent séparément pour qu’une gaffe soit commise, précisément parce que vous savez quelque chose. Ce soir, je suis resté avec vous jusqu’à 19 heures, vous dans votre bureau et moi dans le mien. À 19 heures, j’ai rentré la voiture dans la cour pour la laver et ensuite je suis allé chercher de l’essence, ce que j’ai fait réellement. J’ai bu un verre au café. À 20 h 10, j’ai ramené la voiture et je suis monté pour prendre mon imperméable. Nous ne savons que ça et on n’en démord sous aucun prétexte. Il faut aussi se méfier quand ils cherchent à faire parler l’un au détriment de l’autre ou quand ils prétendent que l’autre a avoué. C’est comme ça que je me suis fait avoir la première fois.

— La première fois ? Je croyais que vous n’aviez été condamné qu’une fois ?

— C’est exact. Mais des ennuis avec la police, j’en ai eu plus souvent et je connais leurs méthodes…

D’un naturel méfiant, Frédéric Leroussy éprouvait soudain une grande confiance vis-à-vis d’Émile pour ne pas dire qu’il se sentait presque rassuré.

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