La Bibliothèque ambulante des Appalaches by Richardson Kim Michele

Auteur:Richardson Kim Michele
Format: epub
Tags: Littérature
Éditeur: Éditions Charleston
Publié: 2024-02-02T00:00:00+00:00

21

Peu après, les nuages se dissipèrent alors que j’entrais dans la cour de l’école, dispersant une couvée de poulets et une bande de garçons bruyants.

Winnie sortit de l’école en hâte, chassant de son chemin les volailles et les élèves.

— Je ne pensais plus vous voir ce lundi, Cussy Mary. Je suis ravie que vous ayez pu venir.

Je restai montée sur Junia.

— Désolée, j’ai pris du retard. Je vais remporter vos livres.

Je me sentais coupable parce que j’avais passé trop de temps chez les Moffit et chez Jackson Lovett.

Winnie envoya Clementine chercher les derniers prêts dans la classe.

Les enfants, tous curieux de voir les nouveaux volumes, firent cercle autour de leur institutrice. J’appelai Nessie et lui remis les recettes de tartes destinées à sa sœur pour le bal de charité ; elle fit la révérence et tournoya sur elle-même, agitant le papier.

— Je vais devoir lui apprendre, vu qu’elle sait pas lire. Merci, la femme aux livres.

Les autres fillettes se groupèrent autour d’elle pour l’écouter lire les recettes à haute voix.

Je scrutai tous les visages, à la recherche d’Henry. Il se tenait à l’arrière, le regard mal assuré.

Une minute plus tard, Clementine revint à toute allure, trébucha et fit tomber les livres, faisant s’envoler un kaléidoscope de machaons.

Henry se jeta sur elle, sourcils froncés, ramassa les volumes et les épousseta sur ses manches et sur les jambes de son pantalon, grondant sa camarade alors qu’il accourait vers moi.

— Les voilà, m’dame, dit-il.

Il souffla sur les livres, essuya à nouveau les couvertures avec ses bras.

Henry avait le visage plus creux, ses os pointaient à travers ses haillons portés par trop d’autres enfants avant lui, dans lesquels il était engoncé.

— Merci, Henry.

Je me penchai et vis le collier rouge luisant qui entourait son cou, les épaisses plaques rouges sur ses paumes. Il avait la pellagre, il mourait de faim. Et sous mes yeux.

D’une main ferme, je pris les livres et les glissai dans mes sacoches, me penchai vers mon autre sac d’où je tirai mon dîner que j’avais mis de côté. Je lui tendis la pomme.

— Tout le monde à l’intérieur !

Winnie frappa bruyamment dans ses mains.

— Si seulement nous pouvions obtenir davantage de programmes d’aide. Si seulement ils pouvaient nous envoyer un morceau de fromage avec chaque livre, ou une miche de pain.

Elle pencha la tête comme si elle adressait ce discours à Dieu. Moi aussi, je formulais les mêmes vœux. Leur désir de livres pourrait leur enseigner une vie meilleure, libérée de la faim, mais sans nourriture ils ne vivraient pas assez longtemps pour la trouver ou n’auraient jamais la force nécessaire.

— Rien qu’un morceau de fromage, bon sang, murmura Winnie.

Je songeai au fromage que le docteur m’avait promis. Si j’arrivais à le convaincre de m’apporter plus à manger, je pourrais en donner une partie aux enfants de l’école.

Winnie soupira, caressa le cou de Junia, puis prit délicatement la pomme que je tenais et la rangea dans la poche de sa robe.

— Le bébé de la maman d’Henry n’a pas vécu, expliqua-t-elle tout bas.

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