Krakatoa by Simon Winchester

Auteur:Simon Winchester [Winchester, Simon]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 2020-06-02T20:26:04+00:00

Ces graphiques sont effectués constamment, mais ils ne peuvent en fait enregistrer les fluctuations minimes de la pression atmosphérique (et donc celles provoquées par un événement tel que l’éruption du Krakatoa) que lorsque la pression de base est assez basse pour que l’appareil de mesure soit affecté par elles. Le surveillant de l’usine augmentait cette pression chaque soir, lorsque les réverbères étaient allumés, et la diminuait progressivement jusqu’à l’aube. Les meilleurs enregistrements de la pression atmosphérique étaient donc effectués dans la journée, lorsque la pression dans les conduits était maintenue basse en raison de la faiblesse de la demande.

C’est exactement ce qui se passa… après un hoquet. Car, mystérieusement, il n’y a pas d’enregistrement au moment des premières explosions, le dimanche à l’heure du déjeuner. Lorsque le problème se trouva résolu, l’enregistrement reprit à 15 h 34, heure de Batavia (qui, la création officielle des fuseaux horaires n’ayant eu lieu que plus tard, était d’un peu plus de cinq minutes en avance sur celle du Krakatoa68). Jusqu’au crépuscule, puis pendant toute la matinée du lundi, le manomètre de l’usine à gaz de Batavia fournit minute par minute un enregistrement incroyablement précis des grosses vagues de pression atmosphérique irradiées par le volcan à chacune de ses éruptions. Lors de la plus violente, à 10 h 02 le lundi, le curseur sortit du graphique : elle provoqua une pointe de pression de plus de six centimètres de mercure, comme il n’en a jamais été relevé ailleurs.

À 17 heures, le dimanche, alors qu’en temps normal il ne serait plus resté qu’une heure avant la fin du jour, il faisait presque nuit sur toute la côte ouest de Java et il n’allait pas tarder à le faire dans la capitale. À ce moment-là, d’énormes morceaux de pierre ponce commencèrent à tomber en pluie.

Il y avait alors trois navires européens dans la partie la plus étroite du détroit de la Sonde : le Loudon, commandé par le capitaine Lindeman, qui, à cause de la mer démontée, n’était pas arrivé à gagner Telok Betong et avait jeté l’ancre dans la baie de Lampong ; le trois-mâts barque danois Marie, qui transportait du sel et qui était lui aussi allé se mettre à l’abri dans cette même baie de Sumatra pour échapper aux vagues de plus en plus énormes ; et le trois-mâts barque cargo Charles Bal, sur le point d’achever sa longue traversée de Belfast à Hong Kong. Les trois bateaux reçurent un déluge de pierre ponce : de lourds morceaux acérés, dont les plus gros étaient encore chauds au toucher.

Le capitaine du Charles Bal, W.J. Watson, se retrouva dans une situation des plus périlleuses : coincé dans la baie, sous la brusque pluie sombre de roche et contraint de tourner en rond à l’aveuglette. Pendant la nuit du dimanche, il fut longtemps à une quinzaine de kilomètres à peine du Krakatoa, plus près que n’importe quel autre survivant. Cela lui permit de laisser un récit extrêmement frappant – si ce n’est que chronologiquement, il diffère

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