Karmann Blues by José-Louis Bocquet

Karmann Blues by José-Louis Bocquet

Auteur:José-Louis Bocquet [Bocquet, José-Louis]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Policier
Éditeur: Gallimard - Série Noire
Publié: 1996-05-07T22:00:00+00:00


— Où sont passés ces connards !

Richard avait déjà traversé les deux troquets du village, en vain. Il avisa un panneau camping. Il y avait des jeux pour enfants dans les campings. Richard remonta dans la Mercedes. Il fit crisser les pneus sur le gravier. C’était rassurant ce bruit. Richard était un mystique de l’action.

Le camping n’était pas bien loin, à la sortie du virage, près de la rivière.

Accroché à un tourniquet, propulsé par Freddy, Jérémie hurlait son bonheur. Richard klaxonna.

Jérémie ne faisait pas mine de vouloir poser sa soucoupe volante. Freddy abandonna le tourniquet pour se diriger sans empressement vers la Mercedes.

— Va chercher le nain, Freddy. On se casse ! Vite !

— Où est Youri ?

Freddy était trop nonchalant pour Richard.

— Putain de merde. Discute pas. Ramène le nain !

Freddy tourna les talons. Il n’aimait pas qu’on lui parle comme ça. Il esquissa pourtant quelques foulées plus rapides.

— Hey ! Boulazéro ! Sauve-moi ! Ma soucoupe va s’écraser. Je n’ai plus d’essence ! Aah !

D’une main Freddy stoppa net le tourniquet :

— On y va, bonhomme.

— Non. Moi, je reste ici.

C’était la première fois que Jérémie tentait un coup de force avec Freddy. Ce n’était pas le moment.

— Tu vas te faire chier tout seul, ici, Jérémie.

C’était un bon argument. Mais le petit garçon n’était pas prêt à rendre les armes sans conditions.

— Et toi, qu’est-ce que tu vas faire ?

— Je suis crevé. Ça fait des heures que je te porte, que je te pousse à la balançoire, etc., alors j’ai les bras fatigués.

— T’es pas très fort.

— Non.

— Mon papa il est plus fort que toi.

— Oui, évidemment.

Encore le bruit désagréable du klaxon. Richard s’impatientait.

— Qu’est-ce que tu vas faire dans la voiture ?

— J’avais assez envie de jouer aux petits chevaux.

— Tout seul ?

— Non, avec toi.

— Mais si je veux pas jouer avec toi, tu pourras pas jouer aux petits chevaux.

— Non.

Le son du klaxon en continu ; Richard s’impatientait sérieusement.

— Bon d’accord, je joue avec toi, dit Jérémie.

Freddy l’empoigna et le prit sous le bras. Jérémie apprécia particulièrement cette prise qui lui donnait l’impression assez inédite d’être un sac de pommes de terre.

— Tu me portes. Pourquoi ? T’es plus fatigué ?

— Si, mais ce sont mes dernières forces.

Freddy courut jusqu’à la voiture, le petit garçon hurlant de rire, sous le bras. Le klaxon se tut enfin.

La Mercedes quittait déjà le village. Il n’y avait pas encore trop de circulation sur la nationale ; les gens mangent tous à la même heure.

Une tension unique semblait tétaniser les bras et les jambes de Richard. Volant bloqué et accélérateur au plancher. Il n’avait plus de temps à perdre.

Freddy avait retrouvé sa place à l’arrière. Devant lui, le fauteuil était vide. Richard n’avait pas pensé à lui faire prendre la place du mort.

— Où est Youri ? demanda Freddy.

— Il est mort.

Pourquoi finasser ? C’était la stricte vérité.

Freddy se pencha entre les deux sièges, reléguant Jérémie au fond de la banquette. Il voulut croiser le regard de Richard dans le rétroviseur. Les lunettes noires faisaient toujours barrage.

— Comment il est mort ?

— Peu importe…

La réponse de Richard était sincère. La mort de Youri était déjà du passé, de l’anecdote, un accident du travail. Il n’y avait pas à creuser plus profond. Point final. Mais le regard buté de Freddy ne pouvait pas lui échapper.



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