Intelligence artificielle by Fondation Prospective et Innovation

Auteur:Fondation Prospective et Innovation
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 9782846793551
Éditeur: Ginkgo éditeur
Publié: 2021-01-11T00:00:00+00:00

Vers un rideau de fer numérique ?

Au bout du compte, les forces et les faiblesses des deux duopolistes donnent à penser que l’Empire du Milieu pourraient bien en effet gagner son pari et devenir le leader mondial de l’intelligence artificielle. On en est bien conscient en Amérique où la nervosité est palpable. Dans la compétition qui s’exacerbe, les protagonistes en sont à s’échanger coup pour coup. Les mesures prises à Washington contre ZTE et contre Huawei ont été très médiatisées mais ne sont pas isolées. L’administration Trump a encore interdit en octobre 2019 à 8 des plus prometteuses start-up chinoises d’IA (spécialistes de reconnaissance faciale ou vocale en particulier) tout achat de produits intermédiaires à des entreprises américaines, au motif que ces start-up participent à la répression contre les Ouighours. Les universités américaines sont incitées à défaire les liens qu’elles entretiennent avec les entreprises ou institutions culturelles chinoises. En représailles, Pékin vient d’instruire toutes les institutions publiques d’avoir à remplacer l’ensemble de leurs équipements et software informatiques d’origine étrangère avant la fin de 2023. D’ores et déjà, qu’il s’agisse du cloud, de l’équipement de datacenters, de l’hébergement informatique ou des services de diffusion de contenu sur réseaux, la Chine, seul marché au monde à ne pas être dominé par les acteurs américains, est solidement contrôlé par des acteurs locaux. La quête de l’autosuffisance devrait bientôt généraliser ce modèle. Ainsi se défait petit à petit l’étroite coopération bilatérale qui subsiste – mais pour combien de temps ? – entre la Chine et les États-Unis.

Aujourd’hui, au point où l’on en est, on peut craindre qu’un nouveau rideau de fer soit en train de séparer les deux pôles de l’internet, donc de l’IA et au bout du compte, de l’économie mondiale. Ce n’est bon pour personne. Le miracle chinois de ces quarante dernières années résulte pour une large part de l’intégration du pays dans l’économie mondiale. Quels que soient ses efforts en matière de recherche, la Chine dépend encore beaucoup de l’extérieur aussi bien pour se procurer certaines catégories de produits que pour perfectionner son savoir-faire. Inversement, en pressant la Chine de tous côtés, l’administration Trump la pousse à édifier une technologique parallèle, obéissant à des règles différentes. D’autre part, en imposant des embargos sur certaines fournitures elle coupe du même coup ses propres entreprises d’un marché d’1,4 milliards de consommateurs. Ainsi pour-rait-on s’acheminer vers un modèle de développement à deux pôles autocentrés. Au total, un jeu perdant-perdant.

À la place se dessine une compétition qui s’élargit inévitablement aux pays tiers. Washington sonne le tocsin, notamment auprès des Européens, contre les risques sur leur sécurité que le choix de la 5G de Huawei leur ferait courir. Les Chinois étendent auprès des régimes autoritaires d’Asie centrale et d’Afrique une clientèle impatiente d’adopter leurs systèmes de reconnaissance faciale. En fait tout se passe comme si la Chine s’étant constituée un sanctuaire national, aussi indépendant que possible des technologies étrangères, s’apprêtait à s’en servir comme d’une base pour partir, le moment venu, à la conquête des marchés tiers. L’Asie,

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