Hollywood, la norme et la marge by Bourget

Hollywood, la norme et la marge by Bourget

Auteur:Bourget
La langue: fra
Format: epub
Tags: Hollywood, la norme et la marge
Éditeur: Armand Colin
Publié: 2013-03-05T16:00:00+00:00


Les cinémas engagés des années trente

Il faut maintenant en venir à la période classique et à quelques exemples d’emploi délibéré du cinéma à des fins de propagande idéologique. Il s’agit d’abord, je le rappelle, d’une partie significative de la production Warner, surtout au début des années trente : I Am a Fugitive from a Chain Gang et They Won’t Forget de LeRoy, Heroes for Sale et Wild Boys of the Road de Wellman, Black Fury de Curtiz, The Black Legion d’Archie Mayo, Gold Diggers of 1933 de LeRoy et Berkeley.

Je ne reviens pas sur les procédés (réalistes/documentaires) de ces films, qui ensemble proposent une interprétation cohérente de la Dépression et des maux dont souffre l’Amérique. Cette lecture est expressément proche de celle du candidat, puis du président Roosevelt (élu en novembre 1932, il prend ses fonctions en janvier 1933). Cela est attesté par une multitude d’indications : extrait du discours d’inauguration du président qu’on entend dans Heroes for Sale, slogan publicitaire pour 42nd Street (Lloyd Bacon, 1933), « A New Deal in Entertainment », littéralement « une nouvelle donne » en matière de divertissement, semblable à celle qu’offrait « FDR » en matière économique et sociale, références au forgotten man (autre citation de Roosevelt) dans I Am a Fugitive et Gold Diggers of 1933, finale « Shanghai Lil » de Footlight Parade (1933), où les figurants de Berkeley composent successivement l’image du drapeau américain, le portrait du président et l’aigle de la NRA (National Recovery Administration) qui lance la foudre.

On peut schématiser le discours idéologique de ces films comme suit. De façon explicite sont dénoncés certains fléaux de société : le système des bagnes, et de manière plus générale le système judiciaire qui sévit dans certains États du Sud (I Am a Fugitive, que Jack Warner appelait « [son] premier sermon cinématographique »), la répression policière (Heroes for Sale), les milices patronales (Black Fury), les milices racistes et xénophobes du genre Ku Klux Klan (Black Legion), le lynchage (They Won’t Forget)...

Dans certains cas, les cibles visées, dessinées à gros traits, tiennent de la caricature la plus conventionnelle. On pense ici encore à la presse à scandale : le mauvais capitaliste, cigare au bec, ne songe qu’au profit (Heroes for Sale), mû par la seule ambition, le politicien sudiste n’invoque les grands principes que pour flatter les bas instincts de son électorat (They Won’t Forget).

En termes d’analyse de société, le réquisitoire est plus diffus. Les origines de la Dépression sont, semble-t-il, à rechercher du côté de la Grande Guerre (I Am a Fugitive, Heroes for Sale, « Remember My Forgotten Man » dans Gold Diggers of 1933), ce qui implique un discours sous-jacent sur l’ingratitude des nations européennes, exonérant du même coup l’Amérique d’une part au moins de sa responsabilité.

L’idéologie est à la fois résolue, et résolument centriste. Les valeurs individuelles, notamment l’esprit d’entreprise, sont exaltées, mais celles de solidarité, de responsabilité à la fois de la communauté à l’égard de l’individu, et réciproquement, sont affirmées, avec une accentuation à peu près identique.



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