Histoires de femmes, tome 1 by Louise Tremblay d'Essiambre

Auteur:Louise Tremblay d'Essiambre [d'Essiambre, Louise Tremblay]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature; Romans historiques
Éditeur: Guy Saint-Jean Editeur
Publié: 2018-10-15T04:00:00+00:00

CHAPITRE 5

Pointe-aux-Trembles, le dimanche 24 juillet 1927, quelque part au bord du fleuve

La décision semblait avoir été prise à la dernière minute.

— Marion, Marion, où es-tu?

Éléonore Légaré était dans tous ses états. Déjà que de partir pour quatre longues semaines l’angoissait et la ravissait, tout à la fois, voilà qu’en plus, elle venait d’apprendre qu’au bout du compte, sa jeune protégée l’accompagnerait.

— Marion? Réponds-moi, bon sang…

— Je suis dans la réserve, madame Éléonore. Je range les pots de confiture par sorte, comme vous me l’avez demandé!

— Laisse tomber, ma belle. On fera ça plus tard… Beaucoup plus tard!

La voix de madame Légaré était pleine d’entrain.

— Pour l’instant, tu vas faire ta valise, parce que tu viens avec moi!

— Où ça?

Marion avait glissé la tête par la porte de la réserve, une grande interrogation dans le regard.

— Est-ce que, par hasard, j’irais en vacances au bord du fleuve avec la famille O’Gallagher? avait-elle osé demander, ne voyant rien d’autre, même si cette suggestion lui semblait plutôt farfelue.

— Exactement, avait confirmé madame Légaré, avec un large sourire. Tu viens avec moi. N’est-ce pas merveilleux? C’est monsieur Tremblay qui m’a dit que finalement, tu serais du voyage.

À ces mots, la jeune fille était carrément entrée dans la pièce. Pourtant, elle n’avait pas l’air heureuse. Sourcils froncés, elle fixait la cuisinière comme si elle ne la croyait pas.

— Vous êtes sûre d’avoir bien entendu, madame Légaré? Je pensais que vous étiez la seule à partir pour voir aux repas de la famille, pendant que moi, je restais ici pour m’occuper de ceux de monsieur Quincy. J’avais mal compris?

— Du tout. C’est un changement de dernière minute, ma belle! Moi aussi, c’est ce que je croyais, jusqu’à ce que monsieur Tremblay me fasse venir dans son bureau, il n’y a pas deux minutes de ça.

— Pourquoi est-ce que je pars?

— Je ne sais pas. Mais qu’importe la raison, ma fille, c’est le résultat qui compte, tu ne crois pas? C’est un vrai bonheur de savoir que tu seras avec moi. C’est un peu comme si on partait en vacances, toutes les deux! Allez! Il faut te dépêcher. On quitte le manoir tout de suite après le dîner, en auto s’il vous plaît, pour qu’on ait le temps de préparer la maison avant l’arrivée de la famille, demain en fin de journée. À l’étage aussi, ils sont bien occupés. Avant de venir nous rejoindre au chalet, ils doivent déposer mademoiselle Béatrice, Pascaline et monsieur Tremblay à la gare. C’est demain qu’ils partent pour les Vieux Pays! C’est Pascaline qui ne tient plus en place. Pensez donc! Elle va voir l’Irlande et l’Écosse!

— C’est bien vrai! Mais pas besoin d’aller aussi loin pour être tout énervée! Juste à l’idée que je vais au chalet avec vous, je suis tellement excitée que j’étais en train d’oublier ce qui se passe en haut… Mais j’essaie de comprendre, madame Éléonore…

— Qu’est-ce que tu ne comprends pas?

— Pourquoi monsieur Tremblay s’en va lui aussi, et comment la maison d’ici va arriver à fonctionner normalement sans lui?

À ces mots, Éléonore Légaré s’était mise à rire.

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