Histoire des Arabes by Rogan Eugène

Auteur:Rogan, Eugène [Rogan, Eugène]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Tempus Perrin
Publié: 2016-05-14T22:00:00+00:00

Après le partage du Moyen-Orient, opéré lors du règlement de la Première Guerre mondiale, le désastre palestinien est le deuxième événement fondateur de l’histoire régionale au XXe siècle. Il façonne encore notre actualité : le conflit israélo-arabe qui se poursuit aujourd’hui est l’une des conséquences les plus durables de la guerre de 1948. Du côté arabe, la perte, jamais acceptée, de la Palestine, comme, du côté israélien, l’aspiration à l’expansion du territoire, ont rendu inévitables de nouvelles guerres. Elles se sont succédé avec une inquiétante régularité au cours de six décennies.

En termes humanitaires, le conflit a eu un impact catastrophique : le problème des réfugiés palestiniens n’a jamais trouvé de solution. En 1948, on comptait 750 000 personnes déplacées ; les pertes territoriales de 1967 et la croissance démographique ont porté le nombre des réfugiés enregistrés auprès des Nations unies à plus de 4,3 millions. Au cours de cette période, les Palestiniens ont mis sur pied des organes représentatifs qui ont pour vocation de promouvoir leur projet d’État national, mais ils ont aussi poursuivi cet objectif par d’autres moyens : la lutte armée, que ce soit par des incursions à l’intérieur du territoire israélien, par des attentats contre les intérêts israéliens à l’étranger ou des opérations terroristes sur le sol d’Israël, par des soulèvements populaires et la résistance armée dans les territoires occupés – bande de Gaza ou Cisjordanie. En dépit – ou, selon certains, à cause – de ces stratégies, les aspirations nationales des Palestiniens n’ont jamais été satisfaites.

La catastrophe palestinienne a eu aussi un impact destructeur sur la vie politique du monde arabe : l’échec de 1948 a porté un coup aux espoirs et aux aspirations des États nouvellement indépendants de la région. La défaite militaire ouvre une période de profonds bouleversements : assassinats politiques, coups d’État et troubles révolutionnaires affectent les quatre pays limitrophes de la Palestine mandataire. Une profonde mutation sociale est à l’œuvre, alors que les détenteurs du pouvoir sont renversés par les militaires de la jeune génération, souvent d’origine rurale et, de ce fait, plus en accord avec la sensibilité politique des masses arabes que les élites de l’entre-deux-guerres, éduquées en Europe. À ces dernières, qui défendaient l’idée de l’indépendance nationale dans le cadre des frontières étatiques, succèdent les Officiers libres, boutefeux de l’unité panarabe. Les hommes de l’« ancien régime » pensaient dans les langues européennes ; la nouvelle avant-garde parle la langue de la rue.

De la manière la plus concrète, le désastre palestinien signe la fin de l’influence européenne dans le monde arabe. Si la Palestine est un problème créé par l’Europe, l’incapacité de celle-ci à apporter une solution reflète sa propre faiblesse au sortir de la Seconde Guerre mondiale : la Grande-Bretagne et la France émergent du conflit en tant que puissances de second rang. L’effort de guerre a épuisé l’économie britannique, les années d’occupation ont miné le moral des Français. Dans les deux pays, la reconstruction mobilise les énergies, les questions internationales passent à l’arrière-plan. Les empires sont sur le déclin, de nouvelles puissances dominent la scène mondiale.

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