Histoire de France (Vol 09) 1484-1515 by Histoire de France - Jules Michelet

Histoire de France (Vol 09) 1484-1515 by Histoire de France - Jules Michelet

Auteur:Histoire de France - Jules Michelet [Michelet, Histoire de France - Jules]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 2014-03-24T23:00:00+00:00


CHAPITRE VIII

LA FRANCE PORTE LE DERNIER COUP À L'ITALIE—LIGUE DE CAMBRAI

1504-1509

Le lecteur demandera pourquoi, abrégeant tant de faits importants, nous avons fait en grand détail l'histoire d'un Borgia. C'est que malheureusement cette histoire donne celle de la réputation de la France et de l'opinion qu'on prit de nous en Italie.

Les Italiens subirent les Espagnols, les Suisses, les Allemands; ils portèrent, tête basse et sans plainte, leur brutalité, comme chose fatale. Mais ils haïrent la France. Et l'on vit en 1509 les paysans des États vénitiens se faire pendre en grand nombre plutôt que de crier: Vive le roi!

Pourquoi? Pour trois raisons justes et légitimes:

D'abord, nous vînmes prédits, proclamés par un saint, par la voix même du peuple, comme les libérateurs de l'Italie, les exécuteurs irréprochables de la justice de Dieu. On nous promit aux bons comme amis et consolateurs, et comme punition aux méchants. Qu'arriva-t-il, dès la Toscane, au passage de Charles VIII? Les nôtres vinrent à Florence l'épée nue et la bourse vide, rançonnant ce peuple d'enthousiastes qui nous chantaient des hymnes; ils escomptèrent, pour trente deniers, l'amour et la religion.

L'affaire de Pise cependant, l'intervention chaleureuse de notre armée dans les vieilles infortunes de l'Italie, le bon cœur et l'honnêteté des d'Aubigny, des Yves, des Bayard et des la Palice, réclamaient fort pour nous. Qu'advint-il quand on vit nos meilleurs capitaines attachés en Romagne à César Borgia? quand les peuples qui regardaient si le drapeau sauveur leur revenait des Alpes le virent, porté par Borgia, briser les dernières résistances qui arrêtaient la bête de proie, lui préparer des meurtres et garnir son charnier de morts?

Borgia ne pouvait durer; on espérait encore. Mais la France ne s'en tint pas là: elle fonda solidement l'étranger en Italie, mettant l'Espagnol à Naples par le traité de Grenade, le Suisse au pied du Saint-Gothard, et elle voulait mettre l'Allemagne dans l'État de Venise, donner à la maison d'Autriche la grande porte des Alpes (Trente et Vérone, la ligne de l'Adige), réaliser déjà contre elle-même l'erreur de Campo Formio.

Nous ne prîmes pas seuls, nous appelâmes le monde à prendre. Nous livrâmes toutes les entrées de l'Italie, nous rasâmes ses murs et ses barrières. Une force y restait: Venise; nous liguâmes l'Europe pour l'anéantir.

Imprévoyance singulière! Les politiques d'alors craignent Venise, s'épouvantent pour deux ou trois places qu'elle vient de prendre. Ils s'inquiètent des Suisses, croyant les voir déjà renouveler les migrations barbares, et ils ne voient pas un bien autre péril, un fait énorme et gigantesque qui se prépare, non pas secrètement, mais réglé et fixé, écrit dans les traités, accompli d'avance par la force des actes; à savoir: la grandeur de la maison d'Autriche, la moitié de l'Europe centralisée déjà dans le berceau de Charles-Quint.

Le monde, sans s'en apercevoir, par une suite de mariages et d'actes pacifiques, a conçu, porte en lui, un monstre de puissance qui voudra l'empire de la terre! un monstre d'interminables guerres, guerroyant deux cents ans pour se faire et pour se défaire, cent ans pour l'un, cent ans pour l'autre.



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