[Ellery Queen-46] Un bel endroit privé by Ellery Queen

Auteur:Ellery Queen [Queen,Ellery]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Policier
ISBN: 2-277-21811-1
Éditeur: ÉDITIONS J’AI LU
Publié: 1985-04-01T00:00:00+00:00

Mise au monde - Il est né

Mise au monde

Il est né.

Le lendemain matin, assez tard, tout en prenant place sur la chaise que Crump lui présentait devant la table du petit déjeuner, Virginia s’étonna :

— Où est donc M. Importuna ?

— Toujours dans sa chambre, madame. Il n’est pas encore descendu.

— Nino ? encore endormi, à cette heure ? Cela ne lui ressemble pas.

— Probablement faut-il incriminer les émotions d’hier, madame.

— À vrai dire, il a eu un malaise pendant le dîner et il est parti tout droit se coucher… (Elle fronça les sourcils.) Vincenzo ne vous a-t-il rien dit ?

— Le valet de chambre de M. Importuna a reçu l’ordre très strict de ne pas déranger son maître avant le signal, madame.

— Je sais ! Mais les ordres sont faits pour être transgressés, Crump. C’est là ce qui différencie les hommes des robots !

— Certes, madame. Dois-je aller moi-même à la chambre de M. Importuna ?

— Non. J’y vais.

Elle resserra les pans de son ample peignoir de soie et se mit en devoir de traverser le mausolée qui lui servait de demeure, tout en songeant qu’il ne lui manquait plus qu’un chandelier pour ressembler à lady Macbeth.

La porte d’Importuna était fermée. Elle tourna la poignée, qui céda, hésita, puis leva la main et frappa un coup léger.

— Nino ?

Depuis les tout débuts de leur mariage, ils faisaient chambre à part. Virginia, lorsqu’elle avait dû faire face à l’aspect le moins attrayant de son contrat de mariage, s’était en effet montrée très ferme.

— Vous m’avez fait chanter pour que je vous épouse, avait-elle déclaré, et pour que je reste au moins cinq ans sous votre toit, c’est une chose. Je suis tenue d’endurer votre bestialité, c’en est une autre. Mais rien, dans ce que nous avons signé, ne m’oblige à occuper votre chambre une fois vos instincts assouvis. En conclusion, j’exige d’avoir mes appartements personnels.

Nino n’avait élevé aucune objection.

— Tout ce que vous voudrez, du moment que vous vous acquittez de vos devoirs, sposa, avait-il ironisé.

Elle frappa à nouveau.

— Nino ?

Derrière la porte, rien ne bougeait.

Virginia la poussa brusquement. Une seconde plus tard, elle ouvrit la bouche pour hurler, se rendit compte avec stupéfaction que son cri s’étranglait dans sa gorge, et renouvela vaillamment son effort – qui, cette fois, porta ses fruits. Crump surgit à la vitesse de l’éclair ; Editta vint joindre ses hurlements à ceux de sa maîtresse et bientôt tous les domestiques se retrouvèrent dans la pièce, y compris l’imposant César. Peter, alerté, sortit de son bureau, contempla pendant cinq secondes pleines le spectacle, puis attrapa au vol Virginia qui hurlait toujours et la jeta dans les bras de Crump en criant :

— Une fois dans votre vie, rendez-vous utile ! Prenez soin de Mme Importuna. Il faut que j’appelle la police !

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