Dire son nom by Goldman Francisco

Auteur:Goldman Francisco
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 9782267023114
Éditeur: Christian Bourgois

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Plus tard je découvris que Malamudovitch signifie « fils de savant », ou « homme de savoir ». Et qu’est-ce que mon père avait appris de son père ? Et qu’est-ce que j’avais appris de mon père ?

Aura et moi avions grandi dans une atmosphère de malheur, de rage et, à divers degrés, de violence. Je n’en parlais pas beaucoup, mais c’était encore une chose que nous avions en commun. Nous savions d’où nous venions et ce que nous étions décidés à éviter dans la vie que nous avions. Un soir, j’avais douze ans, j’avais joué au football avec des copains, et j’étais rentré plus tard que je n’aurais dû. Nous devions aller dîner chez tante Sophie ce soir-là – peut-être était-ce une fête juive – et maintenant nous allions être en retard. Mon père me battit derrière la porte d’entrée, au pied de l’escalier. C’était le traitement habituel quand j’avais fait quelque chose de mal, mais il me donna un tel coup de genou dans le dos que je m’écroulai et je ne pus me relever. Toute la moitié inférieure du corps était paralysée. À l’hôpital, tandis que j’étais allongé sur la table d’examen et que je sentais les picotements dans mes jambes m’annonçant qu’elles revenaient lentement à la vie, le médecin, le visage grave, avait demandé comment c’était arrivé. Ce fut mon père qui répondit. Il dit : Frankie s’est blessé en jouant au football, docteur. J’aurais dû parler et l’envoyer en prison, ou au moins lui faire des ennuis, mais je me suis tu. Comme je le détestais. Pendant des années j’ai juré que tout ce que je voulais c’était de ne pas être comme lui. Rien ne pouvait plus me décourager, ou me faire éprouver plus de mépris envers moi-même, que de sentir cette rage qui alimentait ses colères bouillir en moi aussi. Je me disais, en insistant, que mon tempérament était plus proche de celui de ma mère, que nous étions des gens faciles qui supportions les avanies sans nous plaindre, des gens essentiellement doux bien que presque trop passifs pour se défendre. Nous ne répondions que rarement – jamais en ce qui concernait ma mère – pas plus que nous n’exprimions notre colère en paroles.

Mais la colère n’était-elle pas une étape répertoriée du deuil ? Où était la mienne ? J’avais été beaucoup de choses depuis la mort d’Aura, mais pas en colère. Quelle serait l’expression appropriée de cette colère ? Devait-elle même être appropriée ? Quand j’avais fait ma sortie sur Sméagol, était-ce un signe de progrès ? Après ma rupture avec Ana Eva, je sentis une rage noire qui se tenait à mes côtés d’un air menaçant. J’avais envie de célébrer la venue tardive de l’étape de la rage. Et j’attendis que quelque chose se passe.

Un soir au club de gym, quand je retournai au vestiaire, un type en costume et sans cravate parlait dans son iPhone devant mon casier. Ses cheveux brun orange étaient encore humides de la douche. Sa serviette

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