Dieu de la Bible, dieu du Coran by Jacqueline Chabbi Thomas Römer & Jacqueline Chabbi & Thomas Römer

Dieu de la Bible, dieu du Coran by Jacqueline Chabbi Thomas Römer & Jacqueline Chabbi & Thomas Römer

Auteur:Jacqueline Chabbi, Thomas Römer & Jacqueline Chabbi & Thomas Römer
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Editions du Seuil
Publié: 2020-08-24T11:12:34+00:00


Un dieu donateur

JC

Dans le Coran, ce serait une erreur de faire de l’allié divin un souverain. Il ne faut pas se laisser tromper par la notion coranique de mulk. Ce mot ne renvoie pas à une souveraineté, comme ailleurs dans le monde sémitique, mais avant tout à la possession, en l’occurrence de la Création. Le malik divin du Coran ne désigne pas un roi, à la différence du melek biblique. Il ne désigne pas davantage le rôle d’un empereur terrestre, mais bien plutôt ce qu’on attend d’un chef de tribu avisé et efficace, capable de répondre à tous les aléas qui peuvent se présenter en permettant à son groupe de s’en tirer à son avantage, c’est-à-dire de survivre.

JLS

En vous écoutant, on se dit que la dépendance par rapport au chef, divin ou humain, semble absolue, sans contestation possible, alors qu’il y a des scènes bibliques sinon de révolte du moins de récriminations contre Dieu, et des refus d’obéir à des chefs humains (surtout à Moïse en l’occurrence).

JC

Il faut bien voir alors que la bienfaisance divine constamment proclamée reproduit le modèle humain du « chef donateur », l’un des attributs nécessaires et indispensables à l’exercice du pouvoir tribal. Mais à l’inverse du donateur humain, le don divin est illimité et inépuisable. Il l’est, du fait justement du mulk absolu prêté au Créateur, autrement dit à sa possession de toutes choses. Contrairement à un chef humain, si bien pourvu de biens soit-il, le Seigneur divin n’est donc jamais en manque.

Le divin n’a « besoin de personne », il possède tout, mais c’est pour mieux s’impliquer dans la réponse aux besoins de l’humain et rendre cette réponse exclusive de toute autre. L’insistance coranique sur la totale maîtrise de la fonction pluviale par le Créateur, dont nous avons déjà parlé, est à cet égard très révélatrice.

On pourrait aller jusqu’à dire que le Créateur divin se trouve au service de la survie des hommes qu’il a créés, et non pas dans une optique de pouvoir, encore moins de pouvoir absolu et contraignant. Ainsi, selon moi, une des différences majeures entre Bible et Coran tient avant tout à une incompatibilité profonde entre la figure de Yahvé et celle d’Allah, en raison d’un contexte environnemental et social totalement différent.

JLS

Oui, mais vous parlez là de la première ou de la seconde période de représentations coraniques. Est-ce que les choses n’ont pas changé à l’époque califale ?

JC

En effet. Lorsque l’islam deviendra concrètement une religion d’empire, cela posera de nombreuses difficultés d’interprétation du texte coranique. On peut dater du IXe siècle le basculement dans un nouveau champ de représentation, donc une période assez tardive. Il a fallu attendre que les élites d’abord, puis une masse plus large des populations urbaines de l’Empire musulman, se soient approprié ce qui était en train de devenir une nouvelle religion, une religion qui ne soit plus conçue sur le mode d’une alliance exclusive des tribus d’Arabie avec Allah. Car l’inscription du religieux dans le cadre d’une alliance restreinte n’autorisait pratiquement pas de ralliement exogène. Il fallait en rester à l’échelle du modèle démographique tribal.



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