Des lames de pierre by Maxime Raymond Bock

Des lames de pierre by Maxime Raymond Bock

Auteur:Maxime Raymond Bock [Bock, Maxime Raymond]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Nouvelle
ISBN: 9782924491065
Éditeur: Cheval d'août
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00


Il est apparu mi-nu mi-vivant aux grilles de l’hacienda des Ordoñez. Il n’était pas le premier loqueteux à venir s’échouer au domaine. On les repoussait immédiatement, quelques-uns avec le privilège d’un morceau de tortilla ou d’une gorgée de lait que doña María croyait utile, pour son paradis à venir, de sacrifier. Même bronzé par son errance, Robert n’avait pas le teint d’un natif, et son incompréhension des mots le rendait d’autant plus intrigant aux yeux de ces gens qui prenaient le risque d’entrouvrir les grilles pour le laisser entrer. Afin de le mener vers les dépendances, Luis avait assis sur un mulet le survenant, qui s’était affaissé tout de suite, le visage râpé dans la crinière. Il avait fallu plusieurs mois (doña María lui avait enseigné un minimum d’espagnol, le soir, après les tâches) pour qu’il raconte qui il était, d’où il arrivait, et ce, par allusions, explications imprécises.Le chemin avait été long et lent, il avait atteint le Mexique au zénith de l’été après avoir commencé sa désagrégation dans l’autre hémisphère lors d’une mi-septembre inhabituellement chaude dans les Andes, si pénible en fait qu’il avait décidé avec Simon de se rafraîchir dans cette cascade, à la frontière du Chili et du Pérou, où son ami pourrissait peut-être encore si les animaux ne l’avaient pas déplacé en le picorant, en le traînant à terre, si les meurtriers n’étaient pas revenus faire leur ménage. Où que ces restes soient, leur putréfaction était d’autant plus avancée deux, trois ans après, maintenant que Robert se tenait debout sous un orage qui rinçait ses souvenirs, polis, érodés, des lames de pierre exhumées par accident dont il ne pouvait que supposer l’ancienne forme entière.

Tandis qu’il fuyait la chute vers le nord, parmi l’essoufflement et la panique, des images des jours précédents lui sont venues. Le taillis où Simon s’était grafigné le dos (les branches cassées, les pousses écrasées sous son poids) et le rectangle de terre (que leur tente montée là pendant trois jours avait tapée) ont balisé les premiers kilomètres de sa retraite, il s’est remémoré la bête ailée grillée à la broche avec les lézards écorchés, les boîtes de fèves et de maïs, et aussi les blagues de Leandro – où était-ce de Simon ? – sur la moustache de la prostituée avec laquelle il avait couché la veille de leur départ pour le Chili. Puis des bosquets, des nuits lumineuses et des midis sans soleil, des coups de feu occasionnels dans le lointain, la fraîcheur revenue en altitude et des fruits trouvés ici et là se sont enchevêtrés jusqu’à ce qu’il tombe sur une caravane quechua qui menait ses ânes et ses paniers à Lima. Il n’avait plus ni souliers ni énergie, il était dégueulasse. Il a songé à gagner l’ambassade canadienne au Pérou, mais, sans papiers, sans argent, il serait renvoyé, on ne croirait rien de son histoire, on le battrait, il serait vendu à des policiers locaux en pagne et plumes qui le sangleraient sur une dalle glacée dans une



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