Deadwood by Dexter Pete

Auteur:Dexter Pete [Pete, Dexter]
La langue: fra
Format: epub
Tags: historique
Éditeur: Gallimard
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00

Il se réveilla mal en point, seul et chagrin. Lurline était partie, sa guêpière rouge et noir pendait à un montant du lit. Il souleva la tête et il eut l’impression de voir se balancer un objet lourd et tranchant, qui basculait vers l’avant à mesure qu’il se redressait.

Il se leva lentement et inspecta son corps. Il avait des marques bleu foncé sur le torse et l’intérieur des cuisses. Des égratignures roulaient le long de son ventre comme de la pluie sur une vitre. Il examina ses jambes de plus près et y vit des empreintes de dents.

Son pantalon était près de la fenêtre. Le seul fait de l’enfiler le mit en nage. La bouteille gisait par terre, une mouche posée sur le goulot. Une petite flaque de liquide s’était formée juste dessous. La chambre empestait le whisky.

Il fouilla sous les draps et récupéra sa chemise, toute chiffonnée et imprégnée du parfum de Lurline. Il la renifla et sa flûte frémit. Ses mocassins étaient sous la chaise. Il se pencha pour les ramasser et se sentit entraîné par le poids de sa tête. Il ne bougea plus, le temps de retrouver son équilibre. Il prit un peigne sur la coiffeuse, se le passa dans les cheveux, puis sortit de la chambre, descendit l’escalier et pénétra dans le bar du Gem.

Le maquereau était derrière le comptoir. Il lui adressa un sourire, et Charley perçut un changement dans son attitude. Peut-être parce qu’il savait dans quel état Lurline l’avait mis, ou bien qu’il estimait être à égalité avec lui, maintenant qu’il avait succombé au péché.

— C’est dix dollars la nuit.

Charley s’arrêta net, au milieu de la salle. Il y avait déjà huit ou neuf clients qui tuaient le temps à boire, mais pas de filles – sauf une qui dormait sur le piano – et pas de joueurs, en conséquence. La voix du souteneur résonna dans toute la salle. Charley s’approcha du comptoir et dit :

— Je ne me rappelle plus votre nom.

— Al Swearingen. On s’est connus dans le convoi qui vous a amené ici.

— Je n’ai pas oublié où on s’est connus ni dans quelles circonstances. J’ai oublié votre nom.

— Swearingen, répéta-t-il. Je suis le patron du Gem, et toutes les filles sont à moi.

Il sourit, et Charley revit sa barbe encore humide du sperme du petit. Il repoussa cette image, car l’idée du sperme l’avait suffisamment occupé pendant la nuit.

— Et Wild Bill n’est plus là pour vous protéger.

Charley tira de sa ceinture son couteau à manche de nacre et le lui mit sous le nez, la lame en biais. L’espace d’une demi-minute, tout se figea, sauf la glotte de Swearingen, qui tremblotait.

— Je ne vous le dirai pas deux fois, monsieur Swearingen. Ne me demandez jamais rien quand je porte une chemise froissée. Je n’aime pas qu’un maquereau m’adresse la parole, tant que je n’ai pas pris mon bain et que je ne me suis pas changé, de manière à ce que personne ne nous confonde.

Swearingen ne répondit pas et Charley rengaina son couteau.

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