Déportée en Sibérie by Buber-Neumann Margarete

Déportée en Sibérie by Buber-Neumann Margarete

Auteur:Buber-Neumann, Margarete [Buber-Neumann, Margarete]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature allemande, Shoah, Témoignage
Éditeur: Seuil
Publié: 1948-01-01T00:00:00+00:00


CHAPITRE IX

Travail d’esclave à Leninkoïe

À Leninskoïe nous restâmes deux mois sans savon. D’habitude nous avions droit à un petit morceau par mois, un peu plus grand qu’une boîte d’allumettes, humide et très mou. Mais on nous avait oubliées, ou quelqu’un avait volé le savon. La crasse avait déjà pénétré profondément dans la peau, la poussière de fumier de mouton s’était incrustée dans tous les pores. Cependant on avait collé une grande affiche au mur de la bergerie. « En raison du danger mortel de contamination de la brucellose, il est interdit de fumer ou de manger pendant les heures de travail. Les mains doivent être lavées avant les repas ! »

Un jour le caissier, un prisonnier politique, arriva dans une petite voiture pour payer les salaires des gens qui travaillaient dans notre secteur. Je savais qu’on ne recevait sa paye qu’après plusieurs mois et je n’attendais rien. Cependant mon nom fut appelé et je reçus vingt-cinq roubles d’un coup pour le travail d’« oudarnik » accompli du temps où j’étais encore dans le « camp libre ». Vingt-cinq roubles au camp, c’était une fortune.

Vers cette même époque une autre brigade arriva. Parmi ces « nouvelles » il y avait une Allemande prénommée Olga. Sa famille était installée en Russie depuis plus de cent cinquante ans : un ancêtre était venu comme maître de chapelle chez je ne sais quel tsar, et sa famille était restée purement allemande jusqu’à nos jours. À dire vrai, ils étaient devenus encore plus Allemands ; Olga en avait non seulement l’aspect extérieur mais ses habitudes, tout son comportement étaient si allemands qu’on l’eût crue tirée de la revue allemande Daheim. Elle était grande, blond pâle, avec une peau blanche qui supportait mal le soleil, elle avait les épaules étroites et les hanches saillantes et se coiffait comme nos mères avec un chignon sur la nuque. Mais elle n’avait pas trente ans. Je jetai un jour un regard sur son sac à vêtements ; elle avait du linge de toile avec des broderies à jour, soigneusement empilé, il semblait qu’il ne manquât que la bande rouge brodée au point de croix : « Tout ce que ma petite mère m’a donné autrefois, je le garde précieusement dans cette armoire… »

Olga était une pianiste connue en Union soviétique. Son mari, également musicien, avait été arrêté, et elle après lui. Elle était accusée « d’espionnage. » parce que, ayant fait ses études à l’étranger, elle était restée en correspondance avec ses amis. Elle fut condamnée à cinq ans de camp et, par aggravation de peine, fut classée « pod konvoï. »

Dès sa jeunesse, Olga avait fait du piano. Le sport ou le travail manuel lui étaient complètement étrangers. Dans une blouse qui avait été blanche, les jambes nues, les cheveux lui tombant en désordre dans la figure, elle s’affairait avec un seau plein de grains : c’était elle qui remplissait l’entonnoir de la batteuse. Le seau lui glissait des mains, elle renversait les grains parce qu’elle ne suivait



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