Coupable en toute innocence by Heidi Benneckenstein

Auteur:Heidi Benneckenstein
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Liana Levi
Publié: 2018-03-14T16:00:00+00:00

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Je ne cherchais pas l’inspiration sur Facebook ou dans les revues de jeunes, mais sur les plates-formes d’extrême droite comme le Thiazi-Forum ou Altermedia dont la devise est une citation de George Orwell : À une époque de supercherie universelle, dire la vérité est un acte révolutionnaire. Et bien qu’Orwell ait certainement voulu dire autre chose, on pense inévitablement à Pegida, à l’AfD et au procès de mensonge qu’ils font constamment à la presse.

Le point de ralliement nazi par excellence sur le Net était le Thiazi-Forum, du nom d’un géant de glace de la mythologie nordique qui vivait dans la forteresse Asgard et dont les yeux furent transformés en étoiles après sa mort. Mais ce que les 20 000 membres du forum écrivaient et partageaient quotidiennement était moins romantique. Le site était la plaque tournante des informations diffusées par la droite extrême, un outil de propagande et de mise en réseau dangereux où se rencontraient néonazis purs et durs, skinheads et nationalistes, tout comme les nouveaux venus et les suivistes. Ils se nommaient « Tonnerre nordique », « Tempête de bombes » ou « Solution finale », et se confortaient mutuellement dans l’idée d’appartenir à la grande communauté germanique en ligne.

L’accès était strictement hiérarchisé. Ceux qui écrivaient de nombreuses contributions ou viraient de l’argent aux administrateurs du site jouissaient de privilèges, ils étaient autorisés à porter des titres honorifiques et avaient accès à des sous-forums fermés aux utilisateurs lambda. Dans les profils on retrouvait nombre de photos d’icônes nazis, et les utilisateurs indiquaient volontiers comme lieu de résidence Reichshauptstadt (capitale du Reich) et comme religion Blut und Boden (le sang et la terre). Felix allait tous les jours sur le Thiazi-Forum, il était en contact avec des centaines de personnes avec qui il chattait pour échanger des idées et promouvoir sa musique. Moi j’y jetais un œil de temps à autre.

Le Thiazi-Forum comprenait un domaine officiel et un autre où on pouvait télécharger de la musique et des écrits de propagande mis à l’index ou discuter abondamment sur les raisons qui faisaient que l’Holocauste ne pouvait absolument pas avoir eu lieu. À un sondage interne demandant s’il avait eu lieu, 45 % des 2 252 membres répondaient : « Évidemment non. »

Le forum couvrait l’ensemble des courants et de la culture quotidienne des jeunes de la droite extrême, des questions de politique, de littérature et de philosophie aux conseils pour se procurer une arme en passant par les bonnes adresses de fringues et de tatouages. Le site était hébergé aux États-Unis où les négationnistes peuvent invoquer le droit à la liberté d’opinion. Parmi les utilisateurs il y avait aussi un certain nombre de gens bizarres ou visiblement dérangés.

Les femmes qui allaient sur le forum avaient leurs sujets et leurs intérêts propres. Le livre Mädelsache – Frauen in der Neonazi Szene mentionne une certaine Osiris, patronne d’un bistrot de Thuringe, qui a réalisé ainsi son rêve d’un atelier de cuisine nationaliste sur le web, et une Siglinde qui déclarait : Mon ex me dominait totalement sans jamais avoir à me frapper.

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