Cinq Petits Cochons by Agatha Christie

Cinq Petits Cochons by Agatha Christie

Auteur:Agatha Christie [Christie, Agatha]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Policier & Thriller
Éditeur: Le Masque
Publié: 1942-12-29T23:00:00+00:00


10

Cinquième petit cochon a pleuré groui, groui, groui…

L’appartement d’Angela Warren donnait sur Regent’s Park. En ce jour de printemps, une brise légère entrait par la fenêtre ouverte et, n’eût été le grondement sourd de la circulation qui montait de la rue, on aurait pu se croire en pleine campagne.

Poirot se détourna de la fenêtre lorsque la porte s’ouvrit et qu’Angela pénétra dans la pièce.

Ce n’était pas la première fois qu’il la voyait. Il s’était débrouillé pour assister à une conférence qu’elle avait donnée à la Société Royale de Géographie. Conférence un peu aride, peut-être, pour le commun des mortels, mais qu’il avait trouvée fascinante. Miss Warren avait une excellente élocution. Son parler était fluide, elle ne cherchait pas ses mots, ne se répétait pas. Sa voix bien timbrée n’était pas dénuée de charme. Elle n’avait fait aucune concession au goût romanesque ni à l’amour de l’aventure. L’aspect humain était quasiment absent de son exposé. Il s’agissait d’une remarquable énumération de faits concis, fort bien illustrés d’excellentes diapositives et agrémentés de commentaires pertinents.

Un style dépouillé, précis, clair, lucide et hautement technique.

Un esprit méthodique qui ne pouvait que combler Hercule Poirot.

Maintenant qu’il la voyait de près, il se rendit compte qu’Angela Warren aurait pu être très jolie femme. Ses traits, quoique sévères, étaient réguliers, ses sourcils noirs finement dessinés, ses yeux marron pétillant d’intelligence, sa peau fine et claire. Elle avait les épaules très carrées et la démarche un peu masculine.

Elle n’avait certes rien du petit cochon qui pleurait « groui, groui, groui ». Mais sa joue droite était traversée par la cicatrice qui la défigurait et lui boursouflait la peau. Le coin de l’œil droit était tiré vers le bas – œil dont personne ne s’apercevait qu’il était mort. Hercule Poirot était presque sûr qu’elle vivait depuis si longtemps avec son handicap qu’elle n’y prêtait même plus attention. Il songea que des cinq personnes auxquelles son enquête l’avait amené à s’intéresser, celles qui semblaient disposer au départ des meilleurs atouts n’étaient pas celles qui avaient récolté le plus de bonheur ou de succès. Elsa, dont on aurait pu dire qu’elle avait tout pour elle – la jeunesse, la beauté, la richesse – en offrait l’exemple le plus flagrant. Elle était comme une fleur saisie par une gelée inopportune au moment d’éclore : fleur certes, mais sans vie. Cecilia Williams, par contre, n’avait en apparence rien dont elle pût se vanter. Et pourtant, aux yeux de Poirot, il n’émanait d’elle aucun sentiment de regret ou d’échec. Elle avait mené une vie captivante et s’intéressait toujours aux gens et aux choses. Elle possédait l’immense avantage mental et moral d’une éducation victorienne stricte qui nous fait tellement défaut aujourd’hui. Elle avait accompli sa tâche au sein du rang social qu’il avait plu à Dieu de lui attribuer, et cette certitude la protégeait comme une armure impénétrable des traits de l’envie, de l’insatisfaction et des regrets. Ses souvenirs, les menus plaisirs qu’elle pouvait s’offrir à force d’économies draconiennes, ainsi qu’une santé et une énergie suffisantes, entretenaient son goût pour l’existence.



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