Ces oiseaux qu'on met en cage by Marjorie Levasseur

Auteur:Marjorie Levasseur [Levasseur, Marjorie]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 2017-05-30T23:00:00+00:00

19 — Premières armes

Samuel commençait à se dire qu’il y était sans doute allé trop fort avec sa mère. Elle n’avait pas donné signe de vie depuis lundi soir. Il essayait d’y voir l’expression du rétablissement de son père, mais n’en était guère convaincu. Il était passé plusieurs fois devant l’immeuble où résidaient ses parents, quand un rendez-vous extérieur l’amenait dans le quartier, et la berline de son père n’avait pas quitté sa place de parking.

Jacques Charmat était le genre de patient ingérable. Il aurait préféré signer une décharge plutôt que de rester enfermé dans une chambre d’hôpital. Cependant, Samuel avait l’intuition que l’attaque de son père avait dû être plus violente que d’habitude, sinon sa mère n’aurait pas essayé de l’amadouer, connaissant la nature actuelle de leurs rapports.

Il aurait sans doute dû se sentir coupable de ne rien ressentir à la perspective de perdre son père, surtout depuis qu’il lui avait dit espérer le voir bientôt mort. Mais rien, pas le moindre remords… Peut-être était-il en train de devenir aussi insensible que Jacques Charmat…

Cette seule pensée le fit frissonner. Plutôt crever que de lui ressembler !

Et Colette… Il avait ressenti son ambivalence lorsqu’il lui avait rapporté sa conversation avec sa mère. D’un côté, elle le comprenait, son père était un être dénué de toute humanité, mais de l’autre, cela la contrariait. Elle avait beau elle-même entretenir des relations tendues avec ses propres enfants, elle ne se serait pas imaginé une seconde refuser de les voir s’ils s’étaient retrouvés hospitalisés. Bien sûr, elle ne pouvait envisager un seul instant qu’ils puissent se conduire comme Jacques Charmat le faisait, elle était donc bien en peine de se mettre à la place de Samuel.

Il ne lui avait posé aucune question quant à sa connivence inattendue avec Raymond Petsech. Si elle avait voulu lui en parler, elle l’aurait fait. Or ils étaient rentrés à l’appartement comme si de rien n’était, comme si cette soudaine entente était quelque chose de normal. Il ne pouvait lui en tenir rigueur, lui-même ayant mis de l’eau dans son vin quant à son opinion sur le vieux voisin, surtout depuis ses dernières révélations. Mais Samuel n’avait rien dit à Colette au sujet de ses confidences sur sa femme et sa fille. Raymond Petsech lui avait fait confiance, sans doute dans un moment de faiblesse, mais peu importait, il tenait à respecter son intimité. Si le vieil homme avait décidé de s’ouvrir aux autres, il en était heureux pour lui.

***

Ça y est, il y était. Sa première cliente allait bientôt faire son entrée dans ce petit local qui lui avait été assigné pour ses consultations. Le moins que l’on puisse dire, c’était qu’il y avait plus chaleureux comme endroit. Les murs étaient nus et la peinture commençait à s’écailler. La pièce, située entre le rez-de-chaussée et le sous-sol, n’était éclairée que par une petite lucarne en ras de plafond. Si l’on s’amusait à regarder au travers, on pouvait voir les gens passer sur le trottoir devant l’immeuble, du moins apercevait-on au moins leurs pieds.

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