Carthage by Serge Lancel

Auteur:Serge Lancel [LANCEL, Serge]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Histoire
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00

La découverte du tophet de Carthage

Comme souvent en archéologie – à une époque où les trouvailles ne découlaient pas d'une programmation faite par une équipe de spécialistes avertis –, la découverte du tophet tient à la fois du hasard et de la chance d'amateurs passionnés et tenaces. Les circonstances de la trouvaille – la veille de Noël de l'année 1921 – contribuent encore à en faire un conte, et à lui assurer une place de choix dans la «légende» archéologique.

L'histoire a été racontée par le principal inventeur du site, François Icard, un sous-officier de tirailleurs devenu inspecteur de police à Tunis, qui partageait avec Paul Gielly, un petit fonctionnaire municipal de Carthage, un goût pour la quête des antiquités que servait un flair peu commun. François Icard, en particulier, est un personnage typique de ces années où, notamment à Carthage avant la réglementation instaurée par L. Poinssot, le véritable créateur de la Direction des Antiquités de Tunisie, la recherche archéologique était une activité un peu marginale, dans la poursuite de laquelle curiosité scientifique et enrichissement des collections personnelles allaient souvent de pair. On aurait cependant tort de jeter la pierre à ces pionniers – le Dr Carton, bien souvent cité dans ces pages, est du nombre – en oubliant qu'au début de ce siècle la législation concernant les objets de fouille était incertaine ou nulle. Pour en revenir à François Icard, ses publications et mieux encore ses « carnets » non publiés montrent que ses intérêts personnels fondirent au feu de cette quête fiévreuse qu'il mena avec son ami Gielly dans le tophet de Salammbô.

Depuis quelque temps, les deux compères étaient intrigués par le manège d'un Tunisien – un de ces chercheurs de pierres dont l'activité, depuis des siècles, a dévoré le sous-sol de Carthage – qui leur proposait de plus en plus souvent de ces stèles, massives et parfois stuquées, en grès, ou longues et effilées et taillées dans un calcaire dense, que l'on connaissait bien depuis leur découverte par lots entiers, en divers points du site, dès le milieu du XIXe siècle (cf. infra, p. 462). L'une des dernières qu'il leur avait livrées les détermina à tirer l'affaire au clair. C'était la « stèle au prêtre », conservée maintenant au musée du Bardo, véritable « enseigne parlante » d'une aire sacrificielle : un homme vêtu de la robe et coiffé du bonnet des kohanim, la main droite levée dans un geste de prière, tient dans son bras gauche replié un nourrisson emmailloté dont le sort, en telle situation, ne paraît guère douteux (fig. 122). Par une nuit claire de fin décembre 1921, Icard et Gielly guettèrent leur pourvoyeur qu'ils surprirent, aidé de quelques ouvriers, et avec la complicité du propriétaire des lieux, en train d'extraire les stèles des profondeurs d'un lopin de terre situé non loin de la lagune rectangulaire (maintenant avenue Hannibal).

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