Brooklyn Noir by Collectif

Auteur:Collectif [Collectif]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Asphalte
Publié: 2014-04-23T22:00:00+00:00

Partie III

Flics et voleurs

Bay Ridge

Tu ne pourras jamais m’attraper

Thomas Morrissey

« MAIS qu’est-ce que tu fais, putain ? cria le type trapu et musclé qui conduisait la camionnette. J’allais justement me garer là ! »

L’inspecteur Sal Ippolito extirpa sa masse de sa voiture et sentit la moutarde lui monter au nez. Contrôle-toi. Il inspira profondément pour se calmer, humant les arômes qui provenaient de l’arrière-­boutique de la boulangerie Esptein, et tapota son pare-brise.

« Tu vois le gyrophare sur mon tableau de bord ? Et le petit autocollant, à côté ? Je suis flic. Et j’ai le droit de me garer ici parce que je travaille. Trouve-toi une autre place.

– Et tu vois cet autocollant-là ? » Le type frappa sa portière de ses doigts boudinés, juste au-dessus de Pains et Boulangers de Bay Ridge. « Moi aussi, je travaille. Je dois embarquer du pain pour ma tournée. Comment je fais si tu me bloques le passage, bordel ? »

Ippolito prit une nouvelle inspiration. Une délicieuse bouffée de pâte à donuts réchauffa ses narines gelées.

« Écoute, dit-il en contenant son agacement. C’est Noël. Si t’arrêtais de me casser les couilles, comme cadeau ? Plus je reste là à discuter avec toi, plus tu vas mettre de temps à récupérer ton pain. Va boire un café. Va faire des courses. Va faire ce que tu veux, parce que cette boulangerie est une scène de crime jusqu’à nouvel ordre et personne n’entre, ni ne sort. Capice ?

– Il est quatre heures du mat’. Où est-ce que je vais faire des courses, bordel ? » Le petit gros fit démarrer sa camionnette. « Scène de crime, mon cul. Va passer les menottes à tes donuts, flic de mes deux. »

Ippolito frotta inconsciemment sa bedaine rebondie comme un ballon de basket, luttant contre l’envie d’arrêter ce type pour causage d’emmerdes avec préméditation.

« Oh, et puis merde. »

Des cristaux de sel mêlés de neige à demi fondue craquèrent sous ses pas tandis qu’il s’approchait de la porte de l’arrière-boutique.

« Au moins, je peux résister à certaines tentations. »

En entrant dans la boulangerie, il eut l’impression de pénétrer dans un brownie : chaud, moelleux et sucré. Une chaude vapeur alourdissait l’atmosphère, offrant un merveilleux contraste avec le dehors. Ippolito se passa la langue sur les lèvres, ses papilles cherchant à capter un peu du chocolat ou des amandes qui parfumaient l’air.

« B-Bonjour ? »

Dans la cuisine, une toute petite bonne femme fripée s’approcha. Elle avait enfilé tellement de vêtements pour se protéger du froid qu’Ippolito doutait qu’elle puisse se servir de la hache de pompier qu’elle tenait entre les mains.

« Qui êtes-vous ?

– La police, madame. » Il sortit lentement sa plaque. « Inspecteur…

– Sally ! Le petit Sally Ippolito ! » La femme se détendit et baissa sa hache, dont le poids la fit se pencher en avant. « T’as bien grandi, en tout cas ! »

Ippolito fronça les sourcils avant de la reconnaître.

« Qu’est-ce que vous faites là, madame Furnero ?

– C’est moi qui ai appelé la police.

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