Bikini by Patterson Jamnes

Auteur:Patterson Jamnes
La langue: fra
Format: epub
Publié: 2011-03-18T00:00:00+00:00

59.

Henri était seul lorsque le bruit de la sonnette le réveilla.

— Entrez !

Une jeune fille avec une fleur rouge dans les cheveux pénétra dans la pièce, s’inclina et déposa sur le lit, sur une tablette, un plateau garni de nahm prik – des pâtes de riz avec une sauce au piment et aux arachides –, de fruits frais et de thé noir bien fort.

Henri dégusta son petit déjeuner en se remémorant la soirée de la veille. Il devait faire son montage avant d’envoyer le film à l’Alliance.

Il prit son thé, s’installa au bureau, alluma son ordinateur portable et ouvrit le fichier contenant les images qu’il avait tournées. Il supprima la scène du massage, s’attarda sur celle de la baignoire en train de se remplir sous le dôme de verre, plaça un titre sous le plan montrant l’eau qui coulait. Oshibashigure.

La scène suivante consistait en un long et magnifique plan continu. La caméra détaillait le visage innocent des deux garçons, glissait sur les jeunes corps nus, puis s’attardait sur les cordes qui leur liaient les bras et les jambes, dans le dos.

Quand son visage apparut à l’image, Henri le flouta pour qu’on ne puisse le reconnaître tandis qu’il soulevait les enfants et les plongeait dans le bain. Un plan superbe.

Il colla la séquence suivante et la monta en veillant à ce que les raccords ne se voient pas. Plan serré sur ses mains maintenant sous l’eau la tête des gamins en train de se débattre et de cracher des chapelets de bulles, suivi d’images des corps flottants. Ochiba shigure signifiait, en japonais : « Comme des feuilles qui flottent sur un bassin. »

Puis un plan du visage de Sadka, inerte, avec des gouttelettes d’eau sur les cheveux et la peau, et un zoom arrière montrant les deux garçons gisant sur des chaises longues près de la baignoire, bras et jambes déployés comme s’ils dansaient.

Une mouche se posa sur la joue humide de Sadka.

La caméra se rapprocha. Et là, fondu au noir. Hors champ, Henri chuchota sa conclusion fétiche : « Alors, tout le monde est content ? »

Il repassa le film, procéda à quelques améliorations et, au montage final, n’en conserva que dix minutes, dix minutes d’une beauté sauvage, à l’intention de Horst et de son groupe de pervers. Juste de quoi leur mettre l’eau à la bouche en attendant la prochaine œuvre.

Il créa un message et mit en pièce jointe une image de la vidéo montrant les deux jeunes garçons, sous l’eau, les yeux ouverts, le visage convulsé de terreur.

Il écrivit : « Un petit cadeau. Deux jeunes princes pour le prix d’un. » Au moment où il envoyait le mail, on sonna.

Henri resserra la ceinture de son peignoir et alla ouvrir. Les garçons déboulèrent en riant.

— Alors, papa, fit Aroon, on est morts ? On ne se sent pas morts.

— Oh, non, vous m’avez l’air bien vivants, mes braves enfants. Allons à la plage.

Il les prit par les épaules, des épaules si fines, si délicates, et ils quittèrent la villa par la porte de derrière.

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