Bass Rock by Evie Wyld

Bass Rock by Evie Wyld

Auteur:Evie Wyld
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Éditions Actes Sud
Publié: 2022-02-15T00:00:00+00:00


Oh, les monts pourpres de mon pays

gémissent de mon absence,

regardent mon épanouissement

en fleurs sauvages du printemps.

Je me souviens qu’il m’avait pris le carnet des mains et dit : “Ça parle de mon éjaculat.”

“T’as déjà lu ses poèmes ?” je demande à Katherine. Elle m’adresse un regard qui veut dire que oui et qu’elle ne trouve rien de drôle à ça.

Elle se crispe en entendant une voix dans la chambre à coucher. C’est le radio-réveil, programmé à six heures et demie tous les matins, que personne n’a arrêté.

“Il est à Swindon pour une espèce de festival de slam”, dit-elle en agitant la main devant son visage comme s’il s’agissait d’un événement tout à fait ordinaire. Elle va éteindre la radio pendant que j’attends ses instructions dans le couloir. Une clope roulée intacte dans le cendrier ; une bouteille de vin à moitié bue ; un verre taché de lie, renversé, son pied brisé sur la desserte proche du sofa. La table basse est fendue en deux, comme si quelqu’un était tombé dessus.

Dans la cuisine, j’ouvre le frigo, curieuse de voir comment leur couple s’alimentait. La nourriture est avariée, le bœuf haché gris et barbu de moisissure, les feuilles de salade ont les contours brunis, des tomates se sont effondrées sous le poids de leur peau. Personne n’a mangé ici depuis des semaines. Je referme la porte. Un bol de prunes noires fripées sur la table. Deux minuscules coquillages blancs prélevés d’une coupe décorative. Ils appartiennent à Katherine et je les empoche, au cas où nous les oublierions. Il ne reste dans la coupelle que des petits escargots de mer jaunes, des patelles nacrées et des coques ardoise. Je glisse le pouce sur le dos des coquillages au fond de ma poche. C’était elle la collectionneuse quand nous étions enfants. Elle passait des heures à écumer les dépôts de la marée du bout des doigts, examinant patiemment chaque débris pour ces oreilles de ­souris blanches.

Je sursaute en entendant la chasse d’eau. Je suis plus ivre que je le pensais, mais exactement aussi ivre que je dois l’être, vu la quantité de vin que j’ai bu.

Katherine sort des toilettes, quelque chose à la main.

“Il a laissé ça.” Elle tient une petite culotte rouge, en tissu glissant et inconfortable.

“Ce n’est pas la mienne, précise-t-elle, il l’a laissée ici pour que je la trouve.” Elle semble paumée, effondrée comme je ne l’en aurais jamais cru capable. Il n’y a pas de larmes – j’ai le sentiment qu’elles ont déjà été versées. Ne reste plus que de la poussière d’os salée perdue en mer.

Je m’approche d’elle et pose la main sur son bras. Il se contracte et elle frissonne.

“Personne ne porterait un truc pareil”, dis-je en pensant que c’est peut-être vrai.

Elle laisse glisser la culotte entre ses doigts ; le slip s’effondre en une petite flaque de rouge sur le sol.

Doucement, elle dit : “Je me demande si c’est pas pire.”

Tout ce qu’elle emporte est un sac à dos rempli de vêtements et une valise pleine de livres et de photos.



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