Avéria by Patrice Cazeault

Auteur:Patrice Cazeault [Cazeault, Patrice]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 9782897334413
Éditeur: Éditions AdA
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00

Troisième partie

Ils avaient déployé une immense toile rouge devant le bâtiment administratif principal de la garnison, comme celles qui s’étendaient au-dessus des quartiers inférieurs de la capitale. En dessous se massaient les soldats par centaines. Je me faufilai parmi eux, attrapant au passage des bribes de conversation.

— Ça y est, fit l’un d’eux. Anosia est tombée.

— Impossible. Si loin de la frontière ? Anosia, c’est la porte à côté.

— Quelques années-lumière à peine, ouais.

Je m’étirai sur la pointe des pieds pour scruter la foule. Une forte odeur de sueur m’assaillit les narines.

— La marée humaine déferle, les gars…

— Ils n’ont pas agi seuls, s’en mêla un autre. Amaral Vassaladion, le chirurgien, coordonnait l’insurrection depuis le sol. Ils ont frappé un grand coup.

— Quelle merde…

Je m’approchai de l’estrade qu’ils avaient montée devant le bâtiment aux allures d’ambassade étrangère. C’était la seule structure de tout le camp qui présentait un effort d’architecture. Des colonnes effilées soutenaient un toit massif aux bordures ouvragées. À tout moment, on s’attendait à en voir s’extraire d’excentriques dignitaires, mais il n’en sortait jamais que des officiers aux uniformes ternes.

Sur la structure métallique s’alignaient justement ces hauts gradés qui échangeaient entre eux, chuchotant à voix basse. Juste devant moi, un vieux type qui avait probablement le même âge que Chernova discutait avec de jeunes recrues aux uniformes impeccables.

— L’Amirauté a décrété la tenue de simulations de bombardement orbital. Vous vous rendez compte ? Les militaires préparent la population à une attaque aérienne sur Tharis.

— Y a-t-il des abris antibombardement dans la capitale ?

— Non, ils entassent les civils dans les anciens tunnels.

Un frisson me parcourut le dos. Il s’agissait des souterrains qu’Irion, Karalion et moi avions empruntés pour nous échapper, après avoir assassiné le Conseiller Shakarion dans sa villa. Les imaginer saturés de vieillards et d’enfants, humides de leur souffle, s’effritant et menaçant de s’effondrer à chaque impact, me comprimait la poitrine. C’était bien le dernier endroit où je voudrais me retrouver si des croiseurs humains foudroyaient la cité de leurs canons à haute vélocité.

Il y eut un mouvement sur la scène. Jovanna Irazaï, son visage rouge sang se détachant aisément parmi les crânes fripés des autres officiers de l’Amirauté, se planta devant le microphone. Elle le tapota du doigt pour en tester le volume, et un bruit aigu se répercuta en onde sur la lourde toile foncée.

— Elle va annoncer l’invasion imminente de la capitale… chuchota quelqu’un dans la foule.

Je tournai sur moi-même, me hissant à nouveau sur mes orteils, avant de finalement repérer Chernova. Je m’empressai d’aller le rejoindre, tandis que l’autre idiote s’éclaircissait la gorge dans nos oreilles.

— L’Amiral Zaas a ordonné la cessation immédiate de la quarantaine imposée à certains navires de réfugiés stationnés en orbite. Compte tenu de l’évolution de la situation sur la ligne de front, le commandement militaire de l’Alliance ne peut se permettre d’obstruer son dispositif de défense avec des vaisseaux civils.

» Certains bâtiments sont bloqués en orbite depuis près de soixante jours. Dans les prochaines heures, quelques-uns de ces vaisseaux amorceront leur descente dans l’atmosphère.

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