Autoportrait by Ray Man

Auteur:Ray, Man [Ray, Man]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Biographie
Publié: 1998-01-29T05:00:00+00:00

FILMS DADA ET SURRÉALISME

Au début de mon séjour à Paris, quand je faisais des recherches sur les différentes phases de la photographie, inévitablement je dirigeai mon attention vers le cinéma. Je n’avais aucune envie d’entrer dans la profession, mais ma curiosité s’éveillait à l’idée que je pourrais mettre en mouvement quelques-uns des résultats que j’avais obtenus en photographie. Je me procurai une petite caméra automatique qui ne pouvait contenir qu’un mètre environ de film standard. Les caméras de 18 ou de 8 millimètres n’existaient pas à l’époque. De temps en temps, je faisais des essais qui n’avaient aucun rapport entre eux : un champ de marguerites, un torse nu se déplaçant devant un rideau à rayures avec le soleil derrière, une spirale en papier suspendue dans mon studio, le carton d’une boîte à œufs qui tournait au bout d’une ficelle – des mobiles, en d’autres termes, mais avant que ce mot fût inventé, et sans implications esthétiques. Mes mobiles ne servaient pas non plus de point de départ à un développement futur : c’était l’esprit dada à l’état pur. Je songeai vaguement à introduire, quand j’aurais de quoi faire un film de dix ou quinze minutes, quelques légendes sans rapport avec le film – le cinéma était encore muet à cette époque – pour régaler mes amis dadaïstes, seuls capables d’apprécier une pareille nonchalance. Mon voisin et ami Tristan Tzara était le seul à être au courant de cette nouvelle diversion : il en suivait le cours avec intérêt car, disait-il, c’était là un des domaines que les dadaïstes n’avaient pas explorés. Il était temps de faire quelque chose de ce genre : cela trancherait sur toutes les idioties qui abondaient sur les écrans. J’avais mis ma caméra de côté pour remplir des commandes urgentes, lorsque Tzara apparut, un mercredi matin. Il tenait à la main une affiche qui annonçait une manifestation dada importante pour le lendemain soir, au théâtre Michel. Je figurais sur le programme en tant que réalisateur d’un film dada qui faisait partie d’un spectacle intitulé Le Cœur à barbe. Ayant déjà assisté à des représentations similaires, je savais fort bien que les dadaïstes avaient coutume d’annoncer la participation, fort improbable, d’une personnalité bien connue : Charlie Chaplin, par exemple. Je me soumis à ce que je croyais être un caprice de Tzara, et lui dis qu’en tout cas j’aimerais assister à cette soirée pour y apporter mon soutien. Mais Tzara était tout à fait sérieux ; j’avais quelques séquences que l’on pourrait projeter, et l’on avait déjà engagé un opérateur et loué un appareil de projection. J’expliquai à Tzara que ce que j’avais ne durerait pas plus d’une minute, et que je n’aurais pas le temps d’en faire plus. Mais il insista : et les rayographes ? dit-il, ces compositions faites sur papier sans appareil de photo ? Ne pourrais-je pas en faire autant sur film, à temps pour la représentation ? La chose me paraissant possible je promis de faire quelque chose pour le lendemain.

Je

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