Au soleil redouté by Bussi Michel

Au soleil redouté by Bussi Michel

Auteur:Bussi, Michel [Bussi, Michel]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Policier & Polar, Suspense, Thriller, Meurtre, Mystère, Disparition, Enquête, Roman
ISBN: 9782258193109
Éditeur: Presses de la cité
Publié: 2020-02-05T23:00:00+00:00


— Allô ? fait la voix de Servane Astine dès que Marie-Ambre a appuyé sur appeler.

Le visage de l’éditrice apparaît la seconde d’après. Un nez péninsulaire à quelques millimètres de l’écran, deux yeux sans fard, une bouche sans rouge, une tasse de café lointaine et en arrière-plan un appartement bourgeois avec parquet ciré et moulure au plafond.

— Ça va ? s’impatiente Servane Astine. Pas trop fatiguées ? La journée n’a pas été trop longue ? La gamine m’a dit que vous étiez parties à la plage vous baigner. Formidable, les filles, vous voyez, moi j’ai pas encore pris ma douche. Sinon tout va bien, mesdames les marquises ? Ça me ferait plaisir d’avoir quelques nouvelles, parce que naïve comme je suis, j’imaginais que j’allais être inondée de courrier, de cartes postales, de poèmes, de tout ce que vous voulez du moment qu’il y a des mots alignés, histoire de faire enrager les couillonnes comme moi qu’on bassine avec le réchauffement climatique et qui au mois de septembre ont déjà ressorti l’écharpe et le bonnet. Et rien… Rien sur Facebook, rien sur Instagram, rien sur Twitter, rien de rien… J’espère qu’elle a une bonne excuse, la Belge !

Yann se dévoue pour répondre.

— Elle est morte.

— Ah…

Le nez rétrécit, Servane boit son café, le nez repousse, quasiment collé à l’écran.

— Faut dire, à son âge… Un si grand voyage.

— Elle a été assassinée, précise Yann. Poignardée. La nuit dernière.

— Ah…

J’admire une nouvelle fois le calme de Yann. Le même que quand il conduisait, que quand il m’a embrassée. Jamais je n’aurais cru que ce petit gendarme puisse avoir de tels nerfs d’acier.

— On attend la BRJ de Tahiti. J’assure l’intérim pour l’instant et…

— Parfait, Cruchot, parfait. Mais il faudra me faire lire autre chose que le rapport d’autopsie… Passez-moi Pierre-Yves.

— …

Cette fois, c’est Marie-Ambre qui ose prendre la parole.

— On ne sait pas où il est. On sait seulement où il se cachait cette… cette nuit… et rien depuis.

J’ai l’impression que Servane va exploser. Son nez, en gros plan, ressemble à la truffe d’un chien qui chercherait à renifler l’odeur des gens qui bougent derrière l’écran. Elle se contente pourtant de reposer calmement son café. Et de demander :

— Vous savez ce qu’écrivait Melville ?

Elle laisse le temps que sa question fasse son petit effet. Avant de continuer.

— Herman Melville a écrit son premier best-seller aux Marquises. Le seul de son vivant, d’ailleurs. Taïpi. Il disait que le véritable cannibale, c’est l’île, pas ses habitants, parce qu’elle dévore votre âme. Alors vous allez méditer là-dessus, les filles. Et me pondre un best-seller à me faire passer Jack London, Stevenson et Pierre Loti pour des chroniqueurs de Lonely Planet. Un écrivain qui joue à cache-cache, un tueur géronticide en liberté sur l’île, ne venez pas dire que vous n’êtes pas gâtées.

Nous nous regardons toutes, consternées.

— Eh oh, faites pas cette tête-là. Si votre petite retraite de communion, je l’avais organisée sur l’île de Ré, je vous aurais déjà toutes rapatriées, alors profitez !



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