Au poil by Sophie Adriansen

Auteur:Sophie Adriansen [ADRIANSEN, Sophie]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Fiction
ISBN: 9782210975477
Éditeur: Magnard
Publié: 2022-02-24T11:47:48+00:00

7

Je fais part à Mamoune de ma découverte pileuse concernant les Allemandes.

— Tu te souviens de ce livre que tu me lisais quand j’étais petite, l’histoire de l’ours brun et du mouton ?

— Parfaitement ! sourit Mamoune. J’adorais cet album.

— Moi aussi. L’ours et le mouton étaient contents d’être poilus, grâce à ça ils avaient bien chaud l’hiver.

— Et au printemps, on tondait le mouton pour faire un pull, se souvient Mamoune.

— Mais nous, on s’enlève les poils pour rien. Je veux dire, on n’en fait rien, après. C’est purement esthétique.

— Tout à fait, acquiesce Mamoune, qui ne voit pas trop où je veux en venir.

— La nature est logique en général, et si certaines espèces ont des poils, ce n’est pas pour rien. Même Smarties, ses poils ont une utilité.

— Oui, ils jouent un rôle de protection mais aussi de détecteurs de mouvements. Un peu comme les moustaches des rats, d’ailleurs.

Je réfléchis :

— Y a ceux pour qui ça sert de camouflage, les chiens c’est une barrière contre les microbes et les bactéries…

Mamoune hoche la tête :

— À l’inverse, les éléphants sont obligés de s’enduire de boue pour se protéger des coups de soleil, car leur peau est toute lisse.

— Ah tiens, je ne savais pas ça. Mais nous, alors ? Si on en a, il y a bien une raison… Alors pourquoi on se les enlève ?

— Tu l’as dit : c’est une question esthétique. Et puis, c’est agréable d’avoir la peau des jambes douce !

— Enfin moi, avant d’aller chez l’esthéticienne, je n’avais pas non plus l’impression de caresser un hérisson quand je me touchais les jambes !

Mamoune rigole. Je poursuis mon raisonnement :

— Ce qui n’est pas logique, c’est qu’on admire les mecs qui portent des poils ailleurs que dans la main. Regarde Thazar et son acharnement avec sa bébé barbe !

Mamoune éclate de rire.

— Tu as envie qu’on te trouve virile ?

Là, elle commence à bien voir où je veux en venir.

— Pas nécessairement ! Mais je compte utiliser mon temps à autre chose qu’à enlever mes poils, et si les gens qui me voient ne le comprennent pas, ça ne me dérange pas.

Mamoune fronce les sourcils.

— Tu es bien sûre de ça ? Tu ne vis pas en Allemagne avec Renate, je te rappelle. Tu vois beaucoup de filles avec des poils au collège ?

Je hausse les épaules.

— Et encore, au collège, certaines de tes camarades ne doivent pas être pubères… Mais demande donc à Balthazar combien de filles ont des jambes poilues au lycée !

Dans le car qui nous ramenait d’Allemagne, Maf et moi avons fait défiler nos photos du séjour. Sur celles du mariage, on ne voit que les sourires, les belles tenues et la bonne humeur. À cette distance de l’objectif, les poils sont invisibles. Je commence à me dire que les Allemandes ont bien raison de ne pas y attacher une grande importance, comme a dit Renate.

Et que si je reste sur ma position, il va me falloir pas mal d’énergie pour lutter contre la pression – à commencer par celle qui s’exerce à la maison.

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