Étude en violet by Maria Antónia Oliver

Étude en violet by Maria Antónia Oliver

Auteur:Maria Antónia Oliver [Oliver, Maria Antónia]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature espagnole, Policier
Éditeur: Gallimard - Série Noire
Publié: 1985-04-23T10:20:47+00:00


Jerónima est repartie pour Majorque en laissant un billet d’avion open au cas où Sebastiana changerait d’avis. Quant à moi, peu satisfaite et très embarrassée par la responsabilité dont je n’avais pas su me dégager, j’ai passé quelques coups de fil et je suis allée voir Pepa.

Le Quai au Bois, transformé en une promenade bordée de palmiers, m’a rappelé mes premiers temps à Barcelone, quand mes camarades de l’appartement récitaient « Vous n’avez pas gardé de bois sur le quai(1) ? ».

Les palmiers, encore chétifs, m’ont fait regretter la luxuriance de ceux de la promenade de Sagrera et de la place qui se trouve devant la Llotja, à Palma. Les palmiers, pour acquérir du corps et du caractère, exigent beaucoup de patience et de temps. Comme tout un chacun.

Je suis montée dans les bureaux du boulevard Colomb et, tout en patientant, j’ai pu contempler la profusion des mâts du Club Nautique.

Je n’y étais allée qu’une fois, pour voir le bateau de Quico et de Jerónima (une autre ! Le jour et la nuit, en dépit de la coïncidence des prénoms). Ils avaient commandé leur liste de mariage dans une boîte d’instruments pour la navigation, et cela faisait près de cinq ans qu’ils passaient leur lune de miel sur le Puma futé, un deux-mâts, de par les mers du monde.

Cette Jerónima et moi avions vécu dans le même appartement ; elle suivait des cours de journalisme avec une telle ardeur que j’ai voulu en faire autant. Mais, au second trimestre, j’en avais jusque-là. Moi, j’aime faire les choses, pas apprendre à les faire. Et ça me convient.

Tout juste un an avant, j’avais été sur le point de partager leur aventure et d’aller les rejoindre au Pérou pour que nous visitions ensemble les Galapagos. En réalité, ce qui m’attirait, ce n’étaient pas les îles exotiques, c’était le changement d’air.

J’avais obtenu ma licence et je rêvais d’aventure, mais celle-ci, quatre ans plus tard, s’était bureaucratisée autant que l’officine du sieur Mari, à Palma. Il avait une petite affaire qui marchait toute seule, mais le travail y était aussi monotone et aussi fastidieux que d’être derrière un guichet ou rivé à une chaîne de montage. J’en étais revenue et j’en avais marre.

C’était exactement la même chose qui s’était passée avec mon rêve de voler en avion. On portait alors un uniforme bleu et un bonnet rond. Trois mois à l’aéroport de San Joan, à m’activer dans ce monde de fous, avaient largement suffi à mettre en pièces mes illusions.

Finalement, je ne m’étais pas embarquée dans l’aventure des Galapagos. Je n’avais pas osé tout plaquer. Je craignais, si là aussi je me dégonflais, de me retrouver sans port d’attache, ni racines.

Afin de me consoler de ma lâcheté inavouée, je décidai que l’aventure, chacun la porte en soi, et qu’il n’y a pas à aller la chercher à l’autre bout du monde. Et je suis restée dans mon emploi.



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