Arthur & George by Barnes Julian

Auteur:Barnes,Julian [Barnes,Julian]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Roman
ISBN: 9782715226128
Éditeur: Mercure de France
Publié: 2006-12-01T09:32:04+00:00

III

FIN AVEC UN COMMENCEMENT

Arthur & George

Depuis que Sherlock Holmes a résolu sa première affaire, des requêtes et des demandes d’assistance ont afflué du monde entier. Si des personnes ou des biens disparaissent dans des circonstances mystérieuses, si la police est plus qu’habituellement perplexe, si la justice se fourvoie, il semble que chacun sur terre se tourne instinctivement vers Holmes et son créateur. Les lettres adressées au 221 B Baker Street sont maintenant automatiquement retournées par la poste estampillées DESTINATAIRE INCONNU ; de même que celles qui sont envoyées à Holmes c/o sir Arthur. Au fil des années, Alfred Wood a souvent été frappé de voir que son patron est à la fois fier d’avoir créé un personnage en l’existence réelle duquel ses lecteurs croient sans effort, et irrité quand ils passent d’une telle croyance à sa conclusion logique.

Et puis il y a les appels adressés à sir Arthur Conan Doyle in propria persona, par ceux qui supposent que quiconque a l’intelligence et l’ingéniosité de concevoir des affaires criminelles imaginaires aussi complexes est certainement compétent pour élucider des affaires réelles. Sir Arthur, s’il est impressionné ou touché, répond parfois, mais invariablement par la négative. Il explique qu’il n’est, hélas, pas plus un détective privé qu’il n’est un archer anglais du XIVe siècle ou un élégant officier de cavalerie sous les ordres de Napoléon Bonaparte.

Wood a donc mis de côté le dossier Edalji sans s’attendre à une réaction différente. Pourtant, cette fois, sir Arthur est de retour dans l’heure, et c’est en parlant avec véhémence qu’il fait irruption dans le bureau de son secrétaire.

« Ça saute aux yeux ! dit-il. Cet homme n’est pas plus coupable que votre machine à écrire… Vraiment, Woodie ! C’est une plaisanterie. L’affaire de la chambre close à l’envers : non comment est-il entré, mais comment est-il sorti ? C’est parfaitement odieux… »

Cela fait des mois que Wood n’a pas vu son patron aussi indigné. « Voulez-vous que je réponde ?

— Répondre ? Je vais faire plus que répondre. Je vais faire du raffut. Je vais cogner quelques têtes les unes contre les autres. Ils vont regretter le jour où ils ont laissé ça arriver à un innocent. »

Wood ne sait pas encore très bien qui « ils » peuvent être, ni même ce qui est « arrivé » au juste. Hormis un patronyme à consonance étrangère, il n’a rien vu, dans la requête de cet homme, qui la distinguât de dizaines d’autres requêtes concernant des erreurs judiciaires supposées que sir Arthur est censé pouvoir redresser à lui tout seul. Mais Wood se soucie peu, en cet instant, des tenants et aboutissants de l’affaire Edalji. Il est seulement soulagé que son patron semble avoir rejeté soudain cette léthargie et cet abattement qui l’affectent depuis quelques mois.

Dans sa lettre George a expliqué la situation anormale dans laquelle il se trouve. La décision de lui accorder une libération conditionnelle a été prise par le ministre de l’Intérieur précédent, Mr Akers-Douglas, et ratifiée par son successeur, Mr Herbert Gladstone ; mais ni l’un ni l’autre ne s’est expliqué officiellement sur les raisons de cette décision.

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