APRÈS LE DÉLUGE by Pierre-Antoine Cousteau

APRÈS LE DÉLUGE by Pierre-Antoine Cousteau

Auteur:Pierre-Antoine Cousteau [Cousteau, Pierre-Antoine]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Éditions du Pilon
Publié: 2007-05-28T09:46:44+00:00


« DEVOIR DE DÉCOLONISATION »

C'est là, de toute évidence, un texte fort important. Car jusque-là, l'Église enseignait à ses fidèles des devoirs d'une autre sorte, le devoir pascal, par exemple, ou le devoir conjugal, mais à ma connaissance les théologiens ne s'étaient point encore préoccupés de faire de la décolonisation une obligation chrétienne. Il me semble même — je parle au conditionnel, avec l'extrême prudence que commande mon ignorance des choses religieuses — que l'Église aurait plutôt favorisé, ces derniers siècles, les entreprises coloniales qui permettaient à ses missionnaires de franchir le rideau de fer du monde païen.

Il faudrait donc savoir si le « devoir de décolonisation » est une petite idée personnelle du Père Michel ou s'il reflète un new look de ses supérieurs, et si la vertu de décolonisation est en voie de devenir théologale.

Il se peut également — mais alors le caractère sacré de sa robe prête à équivoque — que le Père Michel, comme c'est son droit de citoyen, ait envisagé le devoir de décolonisation dans une stricte perspective civique.

Nous n'en disputerons point. Ce qui importe c'est que la décolonisation — laïque ou religieuse — ne soit plus seulement présentée comme une pénible nécessité, c'est qu'elle soit imposée comme un devoir. Et, certes, l'idée était dans l'air depuis pas mal de temps, depuis les « bons » sauvages des philosophes, depuis les mandements négrophiles du grand-père Hugo, et elle s'était épanouie, si j'ose dire, dans la prose contemporaine de M. Sartre, de M. Claude Bourdet et de M. Mauriac. Mais aucun de ces penseurs ne lui avait donné la forme péremptoire d'un impératif kantien.

Honneur, donc, au Père Michel, créateur du devoir de décolonisation.

APRÈS LE DÉLUGE

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Tous les bons citoyens épris de justice et de progrès se réjouiront de cette initiative énergique et chacun saura désormais ce qu'il lui reste à faire, ce qu'il est urgent de faire : décoloniser.

Cela, j'imagine — et c'est ce qui rend l'entreprise tellement exaltante — au sens propre du terme, en respectant la pleine acceptation du préfixe « dé » qui marque, d'après le Larousse, « la privation de l'état ou de l'action que comporte le mot auquel il est joint ».

Or l'état et l'action que comporte le mot colonisation sont d'une telle bassesse qu'ils ont cessé d'être avouables, même dans les bouches les plus réactionnaires, et que les ministres des colonies eux-mêmes ont renoncé depuis bien longtemps déjà à ce titre honteux.

Comment, d'ailleurs, les blancs ne rougiraient-ils pas d'être allés jusqu'au cœur de la brousse violenter les natives en les empêchant méchamment de se dévorer entre eux ? Et d'avoir poussé la malice jusqu'à les tracasser avec des vaccins ou des leçons de lecture ? Et d'avoir gâché leurs paysages avec des routes et des voies ferrées ? Et d'avoir mis le comble à l'indiscrétion en leur parlant d'un certain Jésus-Christ dont ils s'étaient fort bien passés jusqu'à l'arrivée des brutes colonialistes ?

Le Père Michel est certainement un homme trop sérieux pour avoir négligé, dans son ardeur décolonisatrice, cet aspect de l'abomination coloniale.



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