Amour et vieilles dentelles - Les Panthères Grises T1 by Williams Crépin

Auteur:Williams Crépin [Crépin, Williams]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature
Éditeur: Éditions Albin Michel
Publié: 2022-03-02T00:00:00+00:00

17

Dancing

L’odeur de nicotine ne s’était pas dissipée depuis la décision d’interdire le tabac dans les lieux publics, le fumet rance imprégnait l’atmosphère comme si les danseurs n’avaient jamais respecté cette interdiction. Le plateau des tables laquées, disposées en cercle tout autour de la piste, reflétait les visages des consommateurs en estompant les rides et les défauts. Attention sympathique si l’on considérait la moyenne d’âge élevée des amateurs de paso doble et de rumba qui se trémoussaient sur le dancefloor tacheté par les éclats de lumière projetés par la boule à miroirs accrochée au plafond.

André s’était fait prier avant d’accepter d’accompagner les Panthères grises jusqu’au Relais du Château, situé à la lisière du Bois de Vincennes, du côté de Saint-Mandé. Maria avait profité du trajet vers le dancing pour disparaître, Alice avait compris la raison de cette absence en la voyant resurgir vêtue de la tenue Sexy-Coquette piquée chez Marie-Madeleine. Elle remarqua d’un coup d’œil expert que la robe ne la boudinait plus.

– Si Maria l’a retouchée, c’est qu’elle n’a aucune intention de la rendre. On appelle ça du vol, pesta Alice.

À peine arrivée, Maria avait avalé sa boisson, comprise dans le prix de l’entrée, puis avait sifflé celle délaissée par André.

– On ignore ce qu’ils mettent dans ces cocktails, je m’en méfie comme d’un poison, avait-il proclamé en lui cédant volontiers le sien.

Il avait raison. Maria, bousculée par l’effet euphorique de ses deux verres engloutis sans respirer, oublia vite Marie-Madeleine, Mirko, et la mission des Panthères. Elle accaparait André, le draguait sans retenue, engluait les larges épaules de l’homme comme du goudron frais. Elle ne quitta la piste de danse que pour siffler le « cocktail d’accueil » abandonné par ses copines qui s’étaient brûlé les lèvres en le goûtant.

Alice et Nadia n’étaient pas venues pour profiter de la guinguette, ce qui les arrangeait bien car elles étaient, l’une comme l’autre, de piètres danseuses. Elles avaient fait connaissance avec Annette, la responsable des après-midi à thème au Relais du Château. La femme reconnut immédiatement Marie-Madeleine sur la photo qu’Alice lui montra.

Annette était habillée d’une jupe droite, coupée au-dessus du genou ; ses longs et épais cheveux blancs tressés en une queue-de-cheval, elle portait un gilet de laine sans manches sur un chemisier moutarde. En s’asseyant, Alice remarqua ses chaussures rigolotes, bicolores, en cuir souple, qui lui permettaient assurément d’être à l’aise pour danser. Elle répondit à leurs questions avec franchise et simplicité. Oui, elle connaissait Marie-Madeleine, elles avaient bavardé ensemble à de nombreuses occasions.

– Nous avons vite sympathisé. Marie-Madeleine était le prototype de la veuve, un peu fanée, qui s’est ennuyée toute sa vie à briquer son intérieur et à faire la popote en attendant que son mari daigne rentrer.

Annette avala une gorgée de son jus de tomate au sel de céleri qui fit regretter aux deux Panthères de ne pas avoir choisi ce rafraîchissement, quitte à payer le supplément demandé. Alice ne s’attendait pas à une description aussi crue. L’organisatrice du thé dansant reprit son récit sans plus s’occuper de la bienséance et des bonnes manières habituelles quand on évoque le souvenir d’une morte.

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