Alain Mabanckou by Verre cassé

Alain Mabanckou by Verre cassé

Auteur:Verre cassé [cassé, Verre]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Seuil
Publié: 2013-07-31T02:51:27+00:00


c’est hier, à 4 heures du matin, que j’ai longé la rivière Tchinouka, les eaux étaient grises et silencieuses, j’ai dénombré quelques carcasses d’animaux domestiques jetées ici ou là par les riverains, j’ai parlé seul pendant longtemps, on m’a sans doute pris pour un fou, pour quelqu’un de perdu qui voyait des moulins à vent partout et qui les combattait dans une confrontation très épique, « je m’en fous », j’ai pensé comme ça, et j’ai continué à me parler, et alors quelques souvenirs me revenaient comme dans une remontée des cendres, je me suis dit que j’en veux beaucoup à cette rivière, que cette rivière est comme une lagune de la mort, que c’est elle la cause de mon malheur, la raison de ma colère, de mes irritations, j’aimerais tant me venger d’elle, lui dire de me rendre l’âme de ma mère qu’elle a avalée un jour de grand silence, mais je ne veux pas parler de ce chapitre dès à présent, je verrai ça un peu plus loin parce que j’ai pas envie de verser des larmes, et comme c’était le temps des chiens, comme c’était leur saison, j’ai donc vu des chiens qui s’accouplaient, j’ai ramassé une pierre que j’ai lancée vers eux, les chiens ont aboyé haut et fort leur mécontentement, ils ont décampé en me traitant de tous les noms d’oiseaux, de pauvre type, de minable, de gredin, de pauvre animal à deux pattes, j’ai dit « je m’en fous, je ne comprends pas votre patois de canidés, vous n’avez qu’à aboyer votre colère, je m’en bats l’œil », et j’ai poursuivi ma route de la faim, je voulais m’asseoir un moment, et puis j’ai plié les jambes comme une gazelle qui s’agenouille pour pleurer, en fait j’avais des vertiges à cause de la faim, j’ai ressenti une boule qui remuait dans mon ventre, je me suis mis à vomir des caillots de vin, je me suis dit « je m’en fous », et j’en ai profité pour chier au pied d’un manguier qui ne m’avait pourtant rien fait, c’est à ce moment qu’un riverain qui passait par là m’a dit « pauvre connard, vieux con des neiges d’antan, pollueur des espaces publics, à ton âge tu chies encore au pied des arbres, tu n’as pas honte », moi j’ai dit tout haut « je m’en fous, le con des neiges d’antan t’emmerde », et le riverain, furieux, a ajouté « c’est à moi que tu parles comme ça, espèce de soûlard, crève donc, imbécile », et j’ai encore dit tout haut « je m’en fous, tu crèveras avant moi, les cimetières de ce quartier sont bourrés de jeunes cons de ton espèce », et le riverain m’a menacé « ramasse ta merde ou je te balance dans la rivière », il était décidé à faire ce qu’il avait dit, et moi je ne voulais pas me noyer idiotement à cause d’une histoire de merde au pied d’un manguier, et comme c’était ma propre merde,



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