À la recherche de Rita Kemper by Luna Satie

Auteur:Luna Satie [Satie, Luna]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 2070424200
Éditeur: Gallimard

Des larmes brûlantes coulaient sur mon visage. Je fixais le sol pour ne pas avoir à affronter le regard de John. J’ai maintenu fortement mon poing fermé sur ma bouche pour ne pas gémir. Il a voulu mettre sa main sur mon épaule pour tenter de me rassurer, mais je l’ai rejetée violemment. Je me suis levée et je suis sortie de la chapelle sans rien dire. Le bruit de mes chaussures résonnait dans l’obscurité, mais je m’en foutais. Une fois dans ma cellule, j’ai claqué la porte et je me suis écroulée sur le lit. C’était évident. C’était tellement évident. Un double suicide. Sans lettre, pour me permettre ainsi qu’à la compagne de Platz de récupérer l’argent de l’assurance en guise d’adieu. Greg détruisant tous ses dossiers pour éviter qu’Elias reprenne l’enquête et peut-être aussi parce que ses fameux tête-à-tête enregistrés avec Rita contenaient des éléments révélateurs de leur relation. Je l’imaginais très bien faire ça. Je le voyais prendre une forte dose de G.B.H. en pensant à sa mère morte aussi dans une voiture. Je le voyais prendre la route avec Platz pour un dernier trajet. Je l’imaginais dépité de ne pas avoir rencontré John Ware et je me disais qu’il aurait vraisemblablement fait la même chose s’il l’avait vu. J’ai entendu la porte s’ouvrir derrière moi. John s’approcha dans l’obscurité et s’assit à côté de moi.

« Je suis désolé. »

Je l’ai laissé me prendre dans ses bras et j’ai pleuré contre lui, longtemps, jusqu’à m’assoupir. L’image du corps de Greg disloqué dans une voiture rebondissant contre la pente d’un ravin tournait en boucle dans mon esprit.

J’ai quitté le monastère le lendemain matin, sans dire au revoir à John qui n’était plus là à mon réveil. Le Père Max me conduisit jusqu’à la grange, où j’ai pu récupérer ma voiture et constater que celle avec laquelle John Ware était arrivé deux ans plus tôt y était toujours, pourrissant sous une épaisse couche de poussière.

« Vous voulez quand même que je lui transmette vos adieux ?

— Si vous voulez. Dites-lui que je le remercie. Et que je m’excuse de l’avoir dérangé. »

Le Père Max haussa les épaules.

« Je pense toujours que c’était une très mauvaise idée, pour vous comme pour lui. Vous lui ressemblez trop.

— À qui ?

— À Rita. Il me l’a dit quand il vous a aperçue dehors. Il a même cru que c’était elle. Enfin… Allez-vous-en, vite ! Et ne revenez pas ! »

Je n’ai rien répondu et je me suis tirée de là en vitesse. J’ai traversé le bois en songeant à ce que venait de me dire le Père Max. Je venais enfin de comprendre que l’attitude ambiguë de John avait été provoquée par la très vague ressemblance que j’avais avec Rita. J’éprouvais une peine sincère pour le fardeau qu’il s’obligeait à porter. Ma foi, la culpabilité fait probablement partie de l’attirail du parfait petit moine…

Je partais quant à moi le cœur plus léger qu’en arrivant. Le monde extérieur avait repris une texture agréable.

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