Mort d'un sénateur by Chabaud Pascal

Auteur:Chabaud, Pascal [Chabaud, Pascal]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Policier
ISBN: 2812923245
Éditeur: De Borée
Publié: 2018-05-16T22:00:00+00:00

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Henri Thévenet ne supportait pas l’ambiance de sa famille. Ils étaient tous confits comme les fruits de son père ! Son père qui se croyait le roi du monde parce qu’il vendait très cher des oranges dans du sucre et de la pâte de coing en bocaux… C’était à la portée de n’importe qui et ça ne méritait pas qu’on se pavane en ville avec la bourgeoisie bien-pensante. Sa mère qui donnait l’impression de délivrer un message divin chaque fois qu’elle ouvrait la bouche, comme si elle était la réincarnation de Bernadette Soubirous ! Entre les œuvres de charité, les séjours à l’église pour se confesser de péchés imaginaires, la préparation du mariage qu’elle voulait princier, ses conseils pour réussir son lycée, elle virevoltait dans toute la maison, laissant des effluves de son parfum à tous les étages, et ne comprenait rien au monde qui l’entourait. Quant à Madeleine, c’était une gentille fille, mais tellement conformiste ! Son mariage avec cet abruti d’avocat lui montait à la tête, et il n’était plus possible de discuter avec elle comme quand ils étaient enfants. Elle était déjà dans son rôle de petite bourgeoise de Chamalières. Il ne pouvait plus rien lui dire. Il lui arrivait des choses dont elle ne pouvait soupçonner l’existence.

Et sa mère qui lui serinait tous les jours qu’il fallait qu’il ait son bachot rapidement, et qu’ensuite il pourrait travailler avec son père qui avait tant fait pour ses enfants et… Merde ! Il n’en pouvait plus de l’entendre répéter tout le temps la même chose. Ce qu’il voulait, c’était devenir pilote automobile, faire des rallyes, comme Raymond Sommer, Jean-Pierre Wimille ou René Le Bègue. Ils n’avaient pas besoin du bachot, eux ! Henri suivait dans Match tous les résultats de leurs exploits et rêvait de participer au rallye de Monte-Carlo.

Goigoux ne l’avait pas appelé depuis deux semaines. Il l’avait peut-être oublié. Peut-être que le service qu’il lui avait fait faire était unique et que c’était juste pour montrer son pouvoir. Entre-temps, Henri était allé au Palais de Cristal rue des Trois-raisins, où il avait demandé à une fille de lui faire la même chose que Goigoux. Il avait oublié son dégoût lorsque la fille l’avait pris dans sa bouche. Et sentir ses seins contre ses cuisses l’avait encore plus excité. Que des putes qu’on payait pour ça se mettent à genoux, c’était normal. Mais jamais il ne recommencerait à s’abaisser devant ce vieux vicelard. S’il l’appelait encore une fois, il prendrait un revolver, ou une matraque, et le vieux comprendrait qu’Henri était quelqu’un qui savait se défendre.

Il remonta le ressort de son Vivatonal et plaça délicatement la pointe sur un disque de Johnny Hess. Il reprit le refrain en grattant une guitare imaginaire : « Je suis swing, je suis swing/Za zou za zou c’est gentil comme tout. »

C’était autre chose que les roucoulades de Tino Rossi ou André Dassary que sa mère écoutait de temps en temps. Cette manie que ces vieux avaient de rouler les R comme s’ils avaient des cailloux dans la bouche ! Au moins Johnny parlait comme tout le monde.

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