Les arnaqueuses des années folles by Marina Bellot

Les arnaqueuses des années folles by Marina Bellot

Auteur:Marina Bellot [Bellot, Marina]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Tallandier
Publié: 2024-05-06T06:34:17+00:00


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Sous la grisaille de la rentrée, Marthe avait l’impression d’être embarquée dans une course contre la montre. Dans quatre mois, tout irait bien, se répétait-elle comme un mantra. Sa pyramide légale avançait. Elle avait créé la Société générale financière et foncière, une banque qui détiendrait à la fois les syndicats transformés en cinq sociétés et l’ensemble des immeubles et terrains qu’elle avait acquis. Ceux-ci garantiraient les opérations financières de la SGFF. L’objectif était d’émettre des bons de participation pour cent soixante millions de francs et de les introduire au hors-cote puis à terme de les faire coter en Bourse. Les bons donneraient droit à un intérêt garanti de 8 % et à une participation aux bénéfices. Une offre alléchante.

Côté emprunt italien, les pourparlers progressaient également. Lazare avait été dépêché sur place et était à demeure en Italie. D’ailleurs, il lui manquait sacrément, son irremplaçable Lazare. Bien sûr, Audibert était à ses côtés mais, avec lui, Marthe édulcorait beaucoup la situation. Lazare était le seul qui savait tout et prenait sa part de soucis et d’angoisse.

Car, désormais, elle ne pouvait plus faire mine de l’ignorer : la meute était à ses trousses. Fin septembre, le journal à scandale Commentaires évoquait une compromission avec des financiers étrangers et des protections politiques de la gauche radicale achetées à grand renfort d’options. Puis vint le tour de L’Action française, journal royaliste, de crier avec les loups. Cette fois, Courville conseilla à Marthe d’acheter leur silence, ce qu’elle fit avec répugnance.

Dans la bourrasque, Marthe tenait la barre. Elle ne se départait pas de son masque de confiance et de sérénité. Ce n’était que seule qu’elle s’autorisait à pleurer amèrement à la lecture d’un article particulièrement fielleux. Elle se reprenait vite, échafaudant des contre-attaques et se rassurant en pensant à ses projets en cours, à ses actifs immobiliers, à l’emprunt italien. Tout irait bien.

Le 13 octobre, elle organisa une grand-messe rassemblant tous ses employés, démarcheurs, directeurs de succursales, et représentants divers. Elle rassura : « Nous tiendrons, ils ne nous abattront pas. » Elle eut un mot pour chacun, un encouragement, un remerciement pour le travail accompli. Ils repartirent dans leurs provinces confiants dans l’avenir. Marthe elle-même puisa dans cette soirée de nouvelles forces pour combattre.

Le 4 novembre, le congrès radical-socialiste mit fin à l’Union nationale. Marthe le savait : sans la gauche dans son gouvernement, Poincaré avait les mains libres. Plus rien ne l’empêchait de tenter de la faire tomber. « Apprêtons-nous à payer pour nos péchés », prophétisa sombrement maître Dominique.

Marthe avait appris de source sûre qu’en toute discrétion, Poincaré et Finaly s’étaient rencontrés. Il se disait que Poincaré avait besoin d’une avance de trésorerie de quatre cents millions. Elle savait que Finaly voulait l’emprunt italien. Les rapports de police se multipliant, elle n’eut pas de peine à se figurer la scène. Ces deux-là ne s’aimaient pas, mais entre gens de bonne compagnie, à fleuret moucheté, on s’était certainement mis d’accord. Il fallait assainir le marché financier, n’est-ce pas ? Or, si on continuait



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